Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
REVUE DES DEUX MONDES.

d’ajouter, pour la gloire de notre époque, que les diverses communions, les divers cultes, se sont rencontrés souvent, pour la pratique du bien, et comme sur un terrain neutre, dans ces associations, dont quelques-unes sont administrées par des sociétés mixtes, composées de catholiques et de protestans. Toutes les œuvres de charité cependant n’ont pas cette louable tolérance ; il en est qui imposent aux pauvres qu’elles secourent, comme condition première de leur aumône, le strict accomplissement des devoirs religieux et l’assiduité aux exercices du culte. Ce fait a de l’importance, car, si nombreuses que soient les convictions sincères, on est surpris du brusque passage d’une indifférence presque générale aux pratiques de la dévotion la plus fervente, et quand on voit, par exemple, dans une paroisse de Paris, qui compte à peine 27,000 ames, le nombre des communions, qui avait été, en 1835, de 750 seulement, s’élever, en 1838, à 9,500, et à 20,000 en 1840, on peut se demander s’il faut attribuer exclusivement cette progression à l’éloquence des prédicateurs et à l’influence des conférences religieuses.

À côté des associations établies pour soulager les misères humaines, il en est d’autres qui s’occupent avant tout du prosélytisme. La plus importante, celle qui rappelle le moyen-âge en le dépassant, est sans contredit l’œuvre de la propagation de la foi, qui a pour but de seconder les missions par des prières et des secours d’argent. Fondée à Lyon en 1822, cette œuvre compte aujourd’hui sept cent mille associés en France et à l’étranger ; elle a recueilli, en 1841, 2,752,215 francs, chiffre d’autant plus remarquable que la cotisation obligatoire n’est que de cinq centimes par semaine ; mais, quand le pauvre donne un sou, il y a des riches qui donnent 1,000 francs. La propagation publie, à cent cinquante mille exemplaires, des Annales qui font suite aux Lettres Édifiantes. Les sacrifices que s’impose l’Europe catholique dans l’intérêt de ses croyances religieuses ont été grands sans doute dans ces derniers temps ; quoi qu’il en soit cependant, le protestantisme s’est montré dans son prosélytisme beaucoup plus prodigue d’argent : les diverses communions protestantes de l’Europe ont dépensé, en 1842, pour les missions et les distributions de livres, 26,734,474 francs.

Dans Paris, chaque paroisse a, pour ainsi dire, sa confrérie ; la plus étendue, celle qui a pris le nom d’archi-confrérie du Sacré-Cœur, et qui est dirigée par M. l’abbé Desgenettes, l’apôtre le plus actif, le plus influent du prosélytisme parisien, a réuni cinquante mille associés dans la capitale, et elle offre cela de remarquable, qu’elle a discipliné, sous la direction d’un prêtre dont les sympathies politiques sont loin d’êtres acquises aux idées révolutionnaires, un grand nombre de membres du parti républicain, et christianisé en quelque sorte les débris de la société des Droits de l’homme et les démolisseurs de l’archevêché.

Le jansénisme lui-même, après un long assoupissement, s’est réveillé dans cette résurrection générale ; il a choisi pour sa métropole Saint-Séverin. Deux cent cinquante familles environ le représentent dans cette paroisse, son dernier refuge. Unanimes dans les convictions religieuses et parfaitement unies