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excentricités philosophiques et littéraires ; dans l’Univers expliqué par la révélation, d’un anonyme qui prétend nous dévoiler les secrets les plus profonds de l’époque antédiluvienne. Qu’est-ce que le monde ? C’est la manifestation de la lumière calorique agent de l’affinité, de l’électricité et du magnétisme. Qu’est-ce que le néant s’animant du fiat de la pensée divine ? C’est un zéro qui engendre des unités. Qu’est-ce que l’homme dans le paradis terrestre ? Un esprit cométaire. Et pourquoi en a-t-il été banni ? Parce qu’il s’est jeté avec la femme dans la voie des créations sidérales. Ne croirait-on pas entendre des astrologues expliquer, suivant le caprice de leurs rêves, les livres respectés où Dieu a laissé sa parole ? La foi soumise honore le mystère par le silence ; la foi inquiète et peu sûre d’elle-même le compromet par des explications hasardées. C’est le fait des demi-théologiens de ne jamais s’arrêter à temps devant la barrière infranchissable, comme c’est le fait des demi-savans de se poser des problèmes qu’on ne saurait résoudre. Les uns cherchent à soulever les voiles dont Dieu lui-même s’est enveloppé, les autres poursuivent la quadrature du cercle ou le mouvement perpétuel. Des deux côtés, n’est-ce pas la révolte de la faiblesse et de l’orgueil contre l’impossible ? Au lieu de s’égarer ainsi dans des divagations sans but, la science catholique ne ferait-elle pas mieux de chercher à réfuter le docteur Strauss ? Personne dans le clergé jusqu’ici ne l’a tenté ; on s’est borné à le mettre à l’index.

De tous les modernes apologistes, le plus fécond est sans contredit M. de Genoude : compilateur, éditeur, imprimeur, M. de Genoude dirige avec un zèle infatigable des entreprises multipliées de catholicisme ; il fait traduite au rabais les pères des premiers siècles, emprunte Wiseman à l’Angleterre, Jean Kühn à l’Allemagne, place Bossuet et Fénelon sous la protection de ses préfaces, et se publie lui-même, entre Fénelon et Bossuet, dans la Bibliothèque chrétienne du dix-neuvième siècle, collection des chefs-d’œuvre de la littérature catholique qui s’imprime sous sa direction. M. de Châteaubriand a écrit le Génie du christianisme ; M. de Genoude en écrit la Raison. C’est, pour la Gazette, une occasion de rapprochemens flatteurs et un livre magnifique pour les lecteurs désintéressés, ce n’est que Bergier enjolivé de métaphores. Bossuet a écrit l’Exposition de la doctrine de l’église ; M. de Genoude, qui ne redoute point le parallèle, publie une Nouvelle Exposition du dogme catholique ; et attendu que M. de Lamennais a donné les Affaires de Rome, M. de Genoude donne à son tour, comme introduction au Dogme catholique, ses impressions de voyage dans la capitale du monde chrétien. Ce qui flatte surtout M. de Genoude dans la ville de Saint-Pierre, c’est la pensée qu’en se faisant prêtre, on peut devenir cardinal ; ce qui flatte les lecteurs c’est d’apprendre que, si la Gazette a été mise à l’index par le saint-siége, le saint père en a du moins très bien accueilli le propriétaire. En dernière analyse, c’est une apologie explicative de M. de Genoude qui sert de prolégomènes à l’apologie de la religion chrétienne ; et lorsqu’on voit ainsi la silhouette de l’auteur se dessiner à tous les horizons, on ne saurait mieux faire que d’appliquer à M. de Genoude ce jugement que lui-même a porté