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LE PARTI LÉGITIMISTE ET LE JACOBITISME.

La première transmission du trône sous la dynastie fondée en juillet, surtout dans les circonstances qu’un affreux malheur nous a faites, sera assurément un évènement grave et dont la perspective doit naturellement influer déjà sur l’attitude et les plans des divers partis constitutionnels ; mais que les légitimistes considèrent les conjonctures au milieu desquelles la même épreuve s’accomplit en Angleterre, et qu’ils disent s’ils ont autant de raisons d’espérer qu’en avaient les jacobites à la mort de la reine Anne.

L’affaire de la transmission du trône à la mort de la reine Anne a été à coup sûr la phase la plus critique qu’ait eu à traverser l’œuvre de 1688. Je disais tout à l’heure que les légitimistes anglais avaient conservé, même après la révolution, le prestige de leurs principes : ils ne renoncèrent pas, en effet, comme les nôtres, au dogme du droit divin ; cette croyance politique était si enracinée dans le pays, que, même au lendemain de l’expulsion de Jacques II, les whigs n’osèrent pas la heurter de front. Vous savez, monsieur, les ménagemens que les lords et les communes réunis en convention pour régler la question de la royauté après la fuite de Jacques employèrent pour éviter de toucher directement au vieux principe. Ils se bornèrent à déclarer que, Jacques « ayant violé les lois fondamentales et s’étant retiré du royaume, il avait abdiqué le gouvernement, et que le trône était devenu vacant. » Et, pour le remplir, il fut résolu, après de longs débats « que le prince et la princesse d’Orange seraient déclarés roi et reine d’Angleterre, » ce qui laissait intacte la question du droit héréditaire. Le règne de Guillaume, quoique les tentatives violentes des jacobites eussent été réprimées, fut loin de présenter un aspect rassurant. Avant la bravade par laquelle Louis XIV, à la mort de Jacques II, émut si vivement chez le peuple anglais la fibre de l’orgueil national, ce règne semblait devoir se terminer au milieu de l’affaissement des esprits et de la désaffection générale. Il semblait, comme l’écrivait au roi Guillaume le plus grand sans doute des illustres fondateurs de l’œuvre de 1688, lord Somers, il semblait « qu’un marasme mortel se fût emparé de la nation entière. » La ferveur patriotique qu’excita la guerre de la succession d’Espagne parut assombrir quelque temps l’avenir des jacobites ; mais les dernières années de la reine Anne ranimèrent leurs espérances plus brillantes que jamais.

La preuve la plus notable de la force réelle que l’intérêt jacobite retint long-temps après 1688, c’est que les principaux whigs, les auteurs de la révolution, cherchèrent toujours à conserver des rapports avec la famille royale exilée. Des documens nombreux et authentiques,