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LA CONTREFAÇON BELGE.

conclusion raisonnable. En effet, à l’occasion du projet d’union douanière, lorsque les contrefacteurs de Bruxelles ont pu croire que les deux gouvernemens allaient s’occuper sérieusement d’abolir leur industrie, il s’est manifesté dans tous les ateliers une activité nouvelle dont l’objet était facile à deviner, et l’un d’eux, qui vint à Paris à cette époque, s’annonçant comme le délégué de ses confrères, n’a pas craint de faire à la librairie française, et si nous ne nous trompons, au gouvernement lui-même, des propositions de rachat dans tous les cas inacceptables. Les mêmes démarches se renouvelleraient encore, si les négociations étaient reprises avec la Belgique sur le même pied. Également repoussées, peut-être en retarderaient-elles l’issue, parce que d’un côté le gouvernement belge ne serait pas fâché de n’avoir point à se mêler d’un détail qui lui suscitera beaucoup d’embarras, et que de l’autre il ne convient pas à la dignité du gouvernement français de composer directement avec une industrie étrangère sans droits acquis à ses yeux, dans la bonne foi de laquelle il ne peut avoir la moindre confiance, et qui ne viendrait à lui que pour essayer de lui arracher des conditions onéreuses. Si, au contraire, la France a racheté la contrefaçon chez elle, l’obstacle se trouve heureusement tourné ; le gouvernement belge ne pourra plus hésiter devant les difficultés d’exécution qu’il redoute ; la force de l’exemple, mieux encore que le sentiment des convenances, le forcera d’accepter le soin de compter avec la contrefaçon, et, comme il connaît sa situation réelle, non-seulement il ne la paiera que ce qu’elle vaut, mais il ne lui permettra pas, ce qui est très important, d’augmenter, dans les derniers jours de son existence légale, la réserve déjà si considérable de ses magasins et de reculer ainsi le moment où les derniers produits de sa fécondité auront disparu des marchés du monde.

Puisqu’une négociation prochaine et directe avec la Belgique est indispensable, il convient d’examiner si les circonstances actuelles permettent d’en espérer le succès. Nous y croyons pour notre part, et voici sur quoi cette prévision repose.

À l’époque de ses embarras diplomatiques, ainsi que nous l’avons expliqué déjà, le gouvernement belge était dans une situation trop délicate vis-à-vis de l’opinion divisée du pays pour songer à remuer une seule question qui aurait touché, même de loin, à l’équilibre de sa politique intérieure. Il est, comme on sait, des temps d’inquiétude et d’instabilité où les actes les plus étrangers aux intérêts directs des partis deviennent entre leurs mains des instrumens de perte pour le pouvoir qu’ils veulent renverser. Toute tentative de supprimer la contrefaçon aurait, il y a quelques années, été interprétée aux dépens du cabinet qui en eût conçu la pensée. Aujourd’hui il n’en serait plus de même. Ce qui occupe tous les esprits en Belgique, c’est la recherche des moyens les plus propres à rasseoir le commerce extérieur et la grande industrie sur des bases nouvelles. Aussi les deux partis politiques entre lesquels le pays se partage, quoiqu’ils se combattent toujours avec une