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centrale, et les ports mexicains d’Acapulco, de San-Blas et de Mazatlan, l’avantage serait très marqué aussi ; de même pour les îles Marquises, les Sandwich, et les archipels inhabités du Grand-Océan. Quant à la Nouvelle-Hollande, il en serait comme pour la Chine. Enfin on conçoit que les navires qui, allant en Chine, se proposeraient de toucher à l’un des ports de la côte occidentale de l’Amérique, depuis le Pérou jusqu’à la baie de Noutka, auraient une raison décisive pour se diriger par l’isthme de Panama.

Le problème se présente en des termes un peu différens pour les États-Unis. Ce peuple éminemment navigateur a déjà des relations étendues avec la Chine et avec tous les pays riverains du Grand-Océan boréal ou austral. Il se livre avec ardeur et succès à la pêche. Il possède sur la côte du nord-ouest du nouveau continent le vaste territoire de l’Oregon, vers lequel le flot de la population est impatient de se porter par l’intérieur, et qui se coloniserait rapidement, si l’on pouvait s’y rendre par mer au lieu d’avoir à escalader les Montagnes Rocheuses et à franchir les déserts qui bordent le Mississipi à droite, ou qu’arrose le Missouri sans pouvoir les fertiliser. La coupure de l’isthme serait donc, toutes choses égales d’ailleurs, d’un immense intérêt pour les États-Unis ; mais toutes choses ne sont pas égales. Les États-Unis sont plus que l’Europe voisins de l’isthme, et ainsi, pour eux, le bénéfice du percement ressort plus manifeste. Pour se rendre de New-York ou de la Nouvelle Orléans à Guayaquil, à Lima, à Valparaiso, la route de l’isthme serait presque en ligne droite. De New-York ou de Boston à Canton, il y a, par la route actuelle du cap de Bonne-Espérance, 25,000 kilomètres ; par l’isthme de Nicaragua, il n’y en aurait plus que 23,300. Relativement à cette destination, le passage de l’isthme allonge pour l’Europe ; il raccourcit pour les bâtimens des États-Unis. De Boston ou de New-York à l’embouchure de la rivière Columbia, dans l’Oregon, la distance par le cap Horn est de 28,500 kilom. ; par l’isthme, elle serait réduite à 14,000, la moitié.

Ainsi, pour reproduire à peu près les expressions de M. de Humboldt, les principaux objets de la coupure de l’isthme américain sont : la prompte communication d’Europe et d’Amérique aux côtes occidentales du nouveau continent, le voyage de la Havane et des États-Unis à la Chine, aux Philippines et même un jour au Japon quand notre audacieuse race de Japhet aura forcé cet autre empire de l’extrême Orient à sortir de son isolement superbe, ainsi qu’elle vient de le faire pour la Chine ; la colonisation de l’Oregon et des