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L’ISTHME DE PANAMA.

quand on double le cap de Bonne-Espérance, le trajet n’est que de 130 degrés, un seul tiers. Cependant la zone comprise entre les tropiques présente au navigateur qui cingle vers l’ouest, avec une mer presque toujours sereine, un autre avantage inappréciable : toute l’année, le souffle des vents alisés y gonfle les voiles des navires lancés dans la direction de l’est à l’ouest ; au sein des flots eux-mêmes, un courant aussi ancien que le monde, aussi imperturbable que les lois de la gravitation universelle (le gulph stream des Anglais, le courant équatorial des autres géographes), pousse tout autour de la terre les navires dans le même sens. Du Havre ou de Londres à Canton, autour du cap de Bonne-Espérance, en coupant ainsi la ligne deux fois, le parcours est de 24,500 kilomètres ; par l’isthme de Panama, il serait de 27,000[1]. Mais cet excédant de parcours serait plus que compensé par l’assistance des vents alisés et du courant équatorial et par l’absence de tout péril pendant la majeure partie de l’année[2]. Imaginez qu’on a pu faire le trajet d’Acapulco à Manille sur une simple chaloupe pontée[3] ; il y a 16,500 kilomètres, trois fois la distance de la côte d’Afrique aux Antilles. En somme, pour aller d’Europe en Chine, un navire qui prendrait la voie de l’isthme économiserait une quinzaine de jours sur un voyage qui dure de quatre mois à quatre mois et demi ; mais on ne pourrait revenir par la même route, parce qu’alors on aurait contre soi le courant équatorial et les vents alisés. Pour atteindre la baie de Noutka, — dans l’archipel de Quadra et Vancouver, sur la côte du nord-ouest de l’Amérique, là où s’est fait un grand commerce de fourrures, — ou près de là, l’embouchure de la rivière Columbia, qui traverse le territoire d’Oregon, dépendant des États-Unis, un vaisseau parti d’Europe fait, en doublant le cap Horn, 27,500 kilomètres ; en traversant l’isthme de Panama, il n’en aurait plus que 16,500 à parcourir. Pour gagner le Pérou, le revers occidental de l’Amérique

  1. Ce sont les distances directes sans détours. Les distances itinéraires, c’est-à-dire réellement parcourues par les navires, seraient plus fortes du quart ou d’un cinquième.
  2. Le Grand-Océan cependant ne mérite tout-à-fait le nom de Pacifique que du parallèle de Coquimbo à celui du cap Corrientes, entre le 30e degré de latitude australe et le 5e degré de latitude boréale. Il est là d’une sérénité constante. Au-delà il n’en est pas de même en toute saison.
  3. C’est le pilote don Francisco Maurelli qui eut ce courage, au commencement du siècle, pour apporter aux Philippines la nouvelle de la rupture entre l’Angleterre et l’Espagne.