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les attaques contre l’Université sont restées long-temps, à l’origine de la querelle, une pure affaire de sacristie ; mais à force de colère et de déclamations, on a fini par faire croire que la liberté était compromise, et l’existence même du catholicisme engagée dans la lutte. La question, toute cléricale d’abord, est devenue politique, et sur ce terrain nouveau nous rencontrons MM. de Montalembert et Laurentie. M. de Montalembert, que l’Univers, avec une tendresse mystique, appelle notre frère, n’a fait que reprendre en sous-œuvre le thème de l’abbé Védrine. Sa brochure, intitulée des Devoirs d’un Catholique dans la question de la liberté de l’enseignement, repose tout entière sur l’ultramontanisme le plus violent : d’un côté, le droit ; de l’autre, le fait. En droit, la suprématie absolue sur la science et la politique appartient à l’église ; elle est reine, elle est juge entre les peuples et les gouvernemens. En fait, elle est asservie par un despotisme odieux qui tend à la sécularisation universelle ; l’état veut confisquer ses doctrines et l’exploiter au profit de sa politique en la transformant en une sorte de gendarmerie morale. Dans cette situation, quel est le devoir de l’église ? Pour répondre à cette question, M. de Montalembert laisse échapper des regrets qu’il est bon de noter : « Nous avons, dit-il, travaillé de notre mieux à détacher les liens qui semblaient naturellement identifier en France les intérêts du catholicisme avec un parti hostile au gouvernement nouveau… ; il vaudrait mieux, pour l’honneur de l’église, qu’elle fût restée liée au légitimisme. » Là est toute la pensée de l’auteur. Le catholicisme s’était séparé des partis, il faut qu’il s’y rattache. Tout rapprochement entre l’Université et les catholiques ne peut entraîner que des inconvéniens ; et M. de Montalembert ajoute : « Les catholiques n’ont rien à attendre de la chambre des députés, rien de la chambre des pairs, rien de la couronne, mais tout d’eux-mêmes. Les catholiques en France sont nombreux et riches ; ce qui leur manque, c’est le courage. Dans la vie publique, ils sont catholiques après tout au lieu de l’être avant tout, et ils aiment mieux laisser faire aux autres et se mettre à la queue d’un parti que d’être un parti par eux-mêmes ; qu’ils agissent et qu’ils deviennent ce qu’on appelle en style parlementaire un embarras sérieux. Une sainte ligue, voilà en dernière analyse ce que demande M. de Montalembert. M. Laurentie n’a point ces emportemens, et sa brochure, la Liberté d’Enseignement, se distingue au contraire par le calme et la mesure. Ce n’est pas au nom de l’église et pour le profit de l’église que M. Laurentie réclame la libre concurrence, c’est au nom de la famille et du pouvoir paternel. Par malheur pour l’autorité de la brochure de M. Laurentie, la donnée repose tout entière sur une subtilité, la distinction de l’Université et de l’état. L’auteur admet pour l’état le droit de surveillance et de contrôle, qu’il refuse à l’Université, attendu que l’Université, fût-elle croyante et pieuse par elle-même, est légalement athée vis-à-vis des autres communions chrétiennes. Or, de ce point de vue, pour être conséquent avec lui-même et justifier aux yeux des catholiques la surveillance qu’il propose, il faut que M. Laurentie arrive à proclamer une religion de l’état, car jus-