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teur des Petits Savoyards publiait Césaire, qu’il intitule modestement une révélation. Les secrètes douleurs du prêtre, voilà ce que prétend nous révéler Césaire. Ce sujet, qui pouvait inspirer un poète, n’a rencontré qu’un déclamateur. Les intentions du roman se font à peine jour sous le voile sonore de l’amplification. L’auteur semble avoir compris ce défaut ; il donne dans la préface l’explication du livre, et pour justifier sa tentative, il rappelle fort sérieusement que le Christ s’exprimait en paraboles. À ce roman symbolique M. Guiraud a fait succéder en 1835 un roman historique. Césaire s’annonçait comme une révélation ; Flavien vise presque à l’épopée. Comme l’auteur des Martyrs, M. Guiraud a voulu peindre les commencemens de la société chrétienne, mais là s’arrête le rapprochement. M. de Châteaubriand demandait aux premiers âges du christianisme des inspirations nobles et sévères ; M. Guiraud n’y a cherché que le bruit, la couleur, l’effet à tout prix. Il met en scène des Romains, des gladiateurs, des bourreaux et des anachorètes. C’est une succession de tableaux heurtés, dont la vive enluminure fatigue sans émouvoir. On dirait un mélodrame à grand spectacle. Il y a néanmoins au fond de tout cela une naïveté qui désarme la critique. On pourrait dire que les romans de M. Guiraud représentent une époque où le néo-catholicisme n’était pas encore arrivé à l’exaltation fébrile qui le possède aujourd’hui. C’est un pâle reflet de la littérature de l’empire plutôt qu’un écho des passions du moment. Plus tard, en présence d’œuvres où ce caractère pacifique a disparu, nous en viendrons peut-être à regretter ces inoffensives productions.

L’Histoire d’une Ame, de M. de Genoude, nous transporte fort loin des pompeuses descriptions de Flavien. En quelques années, la situation a bien changé ; la littérature ultra-religieuse se préoccupe moins du passé, elle cherche à vivre dans le présent. Le roman publié par le rédacteur de la Gazette, en 1840, a toute sorte de prétentions, dont la moindre n’est pas celle de rappeler les Confessions de saint Augustin. L’Histoire d’une Ame forme à peine un demi-volume, et l’exiguïté des dimensions est ici une coquetterie de plus. On pense à ces courts et simples récits que notre époque a vu naître, à René, à Adolphe, à tous ces petits livres qui suffiraient seuls à conserver un nom ; on n’y pense qu’un instant, avant d’avoir lu la première page. De fades idylles sur les paysages du Dauphiné, une lourde dissertation théologique sur la recherche de la certitude, nous rappellent bien vite au sujet, à M. de Genoude lui-même, car c’est son ame dont il veut nous raconter l’histoire. Nous le voyons d’abord au collége, lisant Voltaire et découvrant que l’auteur de Candide puise ses sentimens dans la Bible et dans saint Paul. Bientôt le jeune voltairien lutte contre la tentation du suicide et n’y échappe qu’à grand’peine, c’est lui-même qui nous l’assure. Comment l’ame égarée à ce point dans les ténèbres du doute pourra-t-elle revenir au christianisme ? Tranquillisez-vous cependant, M. de Genoude lit l’Émile ; Rousseau, c’est le contre-poison de Voltaire. Après avoir lu Rousseau, le sceptique repentant consulte Fénelon, puis la Bible. Dès-lors il se retrouve