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L’ISTHME DE PANAMA.

la France, dits à grande section, et en France une écluse telle qu’il la faudrait sur le canal des deux océans coûterait quatre à cinq fois plus qu’une écluse ordinaire. Ainsi, pour comparer avec une approximation grossière les divers canaux que nous avons passés en revue au canal projeté de l’isthme, il faudrait réduire leur longueur dans le rapport de 8 1/2 à 1, et la pente qui y est rachetée par des écluses ou le nombre de celles-ci dans le rapport de 4 ou 5 à 1. À ce compte, le canal de Nantes à Brest équivaudrait pour l’isthme à un canal de 44 kilomètres, qui aurait une pente ou contre-pente à racheter de 123 mètres, ou encore 53 écluses. Le canal Érié agrandi représenterait pour l’isthme un canal d’environ 100 kilomètres avec 20 écluses rachetant 44 mètres de pente et de contre-pente.

Une difficulté qu’il est bon de prévoir lorsqu’on creuse des canaux est celle de les fournir d’eau[1]. Sous ce rapport, le climat des tropiques présente plus d’avantage que celui de nos pays tempérés. On évalue que dans les régions tropicales du Nouveau-Monde, là particulièrement où le sol est couvert de forêts, l’eau pluviale est cinq à six fois plus abondante qu’à Paris[2]. On y aurait donc assez de facilité pour remplir des réservoirs. L’évaporation, à la vérité, est plus grande entre les tropiques ; mais M. de Humboldt, à la suite de recherches et d’expériences faites avec le soin qu’il apporte à toute chose, estime qu’elle ne l’est que dans le rapport de 16 à 10. L’affluence des eaux pluviales pour une même superficie étant supérieure dans le rapport de 50 ou 60 à 10 comparativement à Paris, et de 4 à 10 vis-à-vis de l’Europe méridionale, on voit que, tout compte fait, de ce côté l’isthme de Panama n’aurait rien à envier à l’Europe. Nous verrons d’ailleurs bientôt que, dans la direction qui se recommande le plus, on aurait peu à s’inquiéter de l’approvisionnement du canal. C’est un service que la nature semble, là, avoir pris à cœur d’assurer. Retournons enfin à la description de l’isthme, en reprenant successivement les cinq localités signalées plus haut pour la faible largeur à laquelle l’isthme s’y réduit.

I. Isthme de Tehuantepec et du Guasacoalco. — En ce point, le plateau mexicain se déprime à un degré extrême. D’une hauteur

  1. On ne s’en est pas toujours assez préoccupé en France.
  2. L’eau pluviale représente tous les ans à Paris une couche de 50 à 55 centimètres : entre les tropiques dans le nouveau continent, c’est communément de 2 mètres 70 centimètres à 3 mètres.