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DE LA RÉFORME DES PRISONS.

de tout ce qu’il a vu ailleurs. Quant à la prison de Fontevrault, nous l’avons visitée, dans le mois de mai 1843, plusieurs fois et à toute heure ; nous avons suivi les cinq cents détenues qui occupent le quartier des femmes, dans tous leurs exercices, dans les ateliers, dans les cours, au réfectoire, à la chapelle, et partout nous avons vu régner un recueillement tel que les couvens même n’en présentent pas. On sait que les sœurs de Saint-Joseph président, sous le contrôle du directeur, à tous les détails de la surveillance. Ce sont là des instrumens encore bien imparfaits ; mais, grace à l’impulsion intelligente et ferme de M. Hello, sans doute aussi par la vertu de l’habit qu’elles portent, les sœurs ont introduit un ordre et un esprit admirables dans les rangs de la population qu’elles sont appelées à gouverner. Parcourez sans bruit les corridors du cloître sur lequel s’ouvrent les ateliers, appliquez votre œil au guichet de chaque porte, et quelque moment que vous ayez choisi pour cet examen, vous trouverez tous les visages courbés sur le travail, vous n’entendrez pas un mot, pas une plainte retentir. Entrez hardiment : parmi ces femmes naturellement si curieuses, pas une ne lèvera la tête pour vous regarder ; seulement vous verrez couler sur leurs joues des larmes silencieuses, seuls indices qui trahissent dans cette retraite le trouble de leur cœur.

À l’heure marquée pour la récréation, deux fois par jour, on les rassemble dans une cour plantée d’arbres et gazonnée, où des sentiers étroits serpentent à travers la verdure. Des bancs règnent circulairement le long des murs. Le signal étant donné par la sœur qui préside à cet exercice, la moitié des détenues vont s’asseoir en silence et les bras croisés sur la poitrine ; les autres suivent une à une et à la file les sentiers qui reviennent sur eux-mêmes, les bras croisés aussi et sans parler, plusieurs marmottant du bout des lèvres les prières du chapelet. Chaque détenue a ainsi un quart d’heure de promenade, et un quart d’heure de repos en plein air. Le repentir ou tout au moins la réflexion a laissé des traces profondes sur toutes ces figures. Quel contraste avec la parole libre et l’air effronté des femmes renfermées dans les autres prisons ! Et quel tort ne ferait pas aux détenues de Fontevrault l’emprisonnement solitaire, qui leur enlèverait le spectacle édifiant, qu’elles se donnent les unes aux autres, de leurs progrès journaliers dans le bien ?

La société française s’est déjà ressentie de ces améliorations. Le nombre des accusées va diminuant depuis quelques années, et si l’on prenait soin de protéger les détenues, à l’expiration de leur peine, contre les dangers, contre les séductions et les besoins qui les atten-