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L’ÎLE BOURBON.

Quand on fait tourner sous ses doigts un globe terrestre (et c’est là un des plus beaux délassemens de l’esprit), le regard est attiré moins par les grandes divisions de l’univers que par les îles sans nombre répandues dans les océans. Celles-ci, appliquées, pour ainsi dire, à un cap dont elles sont la pointe extrême, projetées le long d’un continent dont elles forment comme l’appendice, ont été arrachées de la côte ferme par ces cataclysmes anciens que la science constate, et que la tradition locale rapporte parfois sous le voile de la légende. Celles-là, réunies en archipels, et figurant des constellations, déployées à travers une mer immense comme une voie lactée, semblent tantôt les débris d’un monde à demi submergé, tantôt des points de halte préparés par la Providence pour les peuples que l’instinct impérieux des migrations poussera vers des rives lointaines. D’autres enfin, isolées ou semées par petits groupes, loin de toute grande terre, ne paraissent pas d’abord se rattacher d’une manière visible au plan de la création. On dirait qu’elles ont surgi de l’abîme tout exprès pour donner aux tortues des grèves où déposer leurs œufs, aux goélands des rochers où placer leur couvée. Généralement ces dernières étaient inhabitées au temps de la découverte ; mais ici la neige étincelante des mornes, là les noires aiguilles des montagnes, ailleurs, la fumée et les flammes