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REVUE DES DEUX MONDES.

le patronage de MM. Berryer, de Noailles et de Valmy, ce journal, organe semi-officiel de Goritz, a aujourd’hui pour rédacteur en chef M. de Lomaria, qui a été attaché à la personne de M. le duc de Bordeaux. Contrairement à la Gazette, la Quotidienne attribue à la royauté la puissance constituante, et une origine autre que la volonté nationale ; tout en restant fidèle à son passé, tout en suivant franchement et loyalement sa ligne, la Quotidienne, qui est au moins modérée dans son légitimisme rétrospectif, a tenté de faire quelques pas en avant, et elle a pris le titre de Moniteur de l’Avenir ; mais les jeunes gens qui ont apporté dans la rédaction quelques idées de progrès ont été vite forcés de l’abandonner, comme s’il était impossible, dans le parti légitimiste, de marcher avec le présent sans renier le passé et compromettre la cause. Le principal but de ce journal est aujourd’hui de conserver aux opinions royalistes leur caractère de droiture et de sincérité. Il y a du bon quelquefois dans la thèse que soutient la Quotidienne ; malheureusement, en défendant au bénéfice d’un parti l’impeccabilité du pouvoir, elle n’est d’accord ni avec l’histoire, ni avec la logique, et elle introduit sans cesse dans la discussion des antinomies et des non-sens. Au point de vue religieux, la Quotidienne est sans aucun doute le plus raisonnable des journaux du parti. Elle a bien quelquefois des velléités d’intolérance, elle déclame contre les protestans, la liberté des cultes, mais c’est là un fanatisme pacifique, heureusement tempéré par une sorte de scepticisme mondain qu’elle a hérité de M. Michaud. Les exagérés du parti lui ont même adressé à ce sujet quelques admonitions, et la Revue de Saint-Paul l’a comparée « à une marquise du vieux Versailles, qui met du rouge, qui a sa loge aux Bouffes, et qui va en équipage à la messe de midi. » Quant à nous, nous ne pouvons que féliciter la Quotidienne de s’être attiré la colère de la Revue de Saint-Paul : c’est un signe presque infaillible que sur quelques points elle est dans le vrai, et, en effet, si dans la politique elle sacrifie la liberté à l’autorité, il faut lui rendre cette justice, qu’elle défend, dans les questions religieuses l’accord de la foi et de la raison. C’est M. Laurentie qui l’a placée et maintenue dans cette dernière voie ; par malheur, tout en proclamant que la religion n’a pas de parti, la Quotidienne, qui regarde trop peu aux contradictions, déclare en même temps que les hommes de foi, le catholicisme, le clergé, ne peuvent rester en dehors de la lutte engagée depuis cinquante ans entre les principes de 89 et les principes de la restauration, et elle est arrivée à cette conclusion : que combattre les doctrines constitutionnelles, c’était servir l’église. Ici comme partout, dans cette agitation des partis, la religion nous a ramenés sur le terrain de la politique et de la politique légitimiste. Du reste, en comparant à six années de distance le chiffre des abonnés de la Quotidienne, il est facile de s’assurer que le parti qu’elle représente s’immobilise et s’éteint dans un cercle infranchissable, et qu’il n’a point à espérer dans le pays des soutiens nouveaux. En 1838, la Quotidienne est portée sur les tableaux du timbre pour une moyenne de 3,500 numéros par jour ; en 1843, cette moyenne est d’environ 3,016.