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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

Plus en arrière que la Quotidienne, la France, journal des intérêts monarchiques et religieux de l’Europe, a été fondée en 1833 par MM. de Blacas et de Sémalé. Dans sa constitution actuelle, la France est un véritable démembrement protestant de la Gazette. Cette feuille a pour rédacteurs principaux MM. Lubis et Dollé, qui, après avoir été attachés au journal de M. de Genoude, ont fait scission avec ses doctrines, et ont soutenu contre la Gazette une polémique très vive. La France, qui s’adresse surtout au torysme provincial, représente le parti du passé dans son immobilité la plus complète ; absolutiste et ultramontaine, elle ne veut pas même de la charte de 1814, n’accepte pas les abdications de Rambouillet, et ne reconnaît que Louis XIX. Quoique représentant les intérêts religieux de l’Europe, la France ne donne au catholicisme qu’une place très restreinte ; l’autel n’y figure que comme l’utile appui du trône. Ce journal ne se soutient que par les sacrifices de son parti, car les 1,400 numéros environ qu’il fait timbrer par jour ne sauraient suffire à le faire vivre.

Il nous reste maintenant, dans la presse semi-quotidienne de Paris, le Journal des Villes et des Campagnes et l’Ami de la Religion. Le Journal des Villes et des Campagnes, qui s’adresse principalement aux maires et aux desservans des communes rurales, s’abstient, en politique comme en religion, d’émettre des idées. Légitimiste timorée et sourdement taquine, cette feuille appartient à cette classe de publications qui vivent par les vieilles habitudes et les opinions effacées, par la modicité du prix et l’indulgente charité des abonnés, par leur âge même, sans se renouveler, sans faire un pas, et en s’adressant aux lecteurs arriérés de la province. Le Journal des Villes et des Campagnes, à peine connu dans Paris, est cependant de tous les organes de la presse religieuse celui qui réunit le plus d’abonnés : il figure sur les envois de la poste pour 6,390 exemplaires ; la nullité serait-elle donc, auprès d’une certaine classe de lecteurs, un élément de succès ? Bien qu’il ne dépasse guère l’humble niveau du Journal des Villes et des Campagnes, et que sa circulation soit beaucoup plus restreinte, l’Ami de la Religion, qui a émis, d’après les tableaux de la poste, 1,286 numéros dans les derniers mois de 1843, a cependant plus d’importance, car, s’il fallait en croire l’Univers, il serait aujourd’hui l’organe semi-officiel de l’archevêché. Cette feuille, qui s’intitulait, sous la restauration, l’Ami de la Religion et du Roi, fut fondée en 1814 par M. Picot, au moment où la liberté reparut sur le sol de la France avec les princes légitimes. MM. de Lamennais et Frayssinous en furent les premiers collaborateurs, ainsi que MM. de Boulogne, Clausel de Montals, aujourd’hui évêque de Chartres, Affre, archevêque de Paris, Lecuy et de Salinis. À la révolution de juillet, l’Ami de la Religion et du Roi devint tout simplement l’Ami de la Religion, et depuis il n’a jamais repris son ancien titre d’ami du roi. Lorsque M. Picot se fut affaibli par l’âge et la maladie, un jeune ecclésiastique, relevé d’interdit par M. Affre et appuyé du crédit de M. de Genoude, essaya d’en prendre la direction ; M. de Genoude lui-même en est devenu depuis l’un