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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/597

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ÉCONOMISTES FINANCIERS DU XVIIIe SIÈCLE.

sion. Il restait, dans cette hypothèse, à trouver la garantie du papier-monnaie. L’ambition de ceux qui demandent aujourd’hui l’extension illimitée du crédit était déjà le rêve de Law. Il voulait mobiliser, en les représentant par des billets, les valeurs qui, par leur nature, sont exclues de la circulation. En Écosse, il conseillait de donner pour gage au papier de la banque la propriété territoriale ; en France, il croyait constituer un fonds de réserve suffisant avec le produit éventuel de l’impôt et les bénéfices présumés des grandes compagnies privilégiées pour le commerce maritime. Ces garanties pourraient être suffisantes pour de simples obligations cotées sur la place, et transmises de gré à gré, comme des coupons de rente ou des actions de commerce ; elles cessent d’être valables pour du papier-monnaie ayant une valeur précise et un cours obligatoire. Veut-on que le papier tienne lieu de monnaie ? Il faut lui assurer une garantie certaine et immédiatement réalisable. Si les billets de la banque de France sont préférés à l’argent, c’est qu’on sait bien que l’encaisse de cet établissement, ses lingots et son portefeuille constituent une valeur disponible supérieure à ses émissions. Si, au lieu d’un trésor métallique, la banque possédait une richesse dix fois plus grande en fonds de terre, l’incertitude de la réalisation ne manquerait pas de faire subir une dépression à ses effets. Quant à la promesse de proportionner le numéraire aux demandes du commerce, de façon à ce que « la monnaie ne soit jamais ni à trop bon marché ni trop chère, » c’est encore une illusion. Outre qu’il n’est pas facile d’apprécier les besoins de la circulation, il n’y a, ce nous semble, qu’un moyen de retirer des mains du public le papier surabondant ; c’est de le rembourser avec des valeurs réelles. Or, nous ne concevons pas comment ce remboursement pourrait avoir lieu, si on opérait la démonétisation de l’or et de l’argent qui a été, suivant M. Daire, l’idée fixe de Law. Au lieu de pouvoir resserrer la circulation des billets en temps de crise, il arrive presque toujours, au contraire, qu’on est obligé d’en augmenter le nombre pour compenser leur avilissement. Ce fut ainsi que Law le premier se trouva entraîné à lancer pour plus de deux milliards et demi de billets de banque, sans compter les actions des compagnies, et que la république, malgré sa bonne foi, fabriqua pour quarante-cinq milliards d’assignats. Beaucoup d’économistes répètent encore d’après Ricardo, l’un des oracles de la science, que « le numéraire est parfait quand il ne consiste qu’en papier, mais en papier parfaitement égal en prix à la quantité de métal fin de toutes les pièces qu’il représente. » C’est émettre