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250 kilomètres ; par le Rio San-Juan, le vallon de la Raspadura et l’Atrato, ce serait un trajet de 4 à 500 kilomètres. À peu de frais, on établirait une voie de communication praticable pour des barques légères pendant une partie de l’année seulement, par l’une au moins de ces deux directions, par la plus longue ; mais si l’on voulait une communication permanente pour des navires de mer, ce serait un travail de titans, car il faudrait alors creuser de main d’homme, sur la majeure partie de cette distance, un immense fossé et le garnir de grandes écluses.

Ainsi nous arrivons à cette conclusion, que, sur beaucoup de points, il est possible d’opérer entre les deux océans des jonctions d’utilité locale que les pouvoirs publics des différens états entre lesquels l’isthme est partagé ne sauraient trop encourager ; mais les communications qui pourraient exercer de l’influence sur le commerce général du monde et abréger la navigation entre les deux continens, ou d’un revers à l’autre de l’Amérique, sont très peu nombreuses. À moins d’une découverte imprévue du côté de la baie de Mandinga, deux seulement peuvent être proposées, celle du lac Nicaragua et celle de Chagres à Panama ; encore la première est-elle soumise à des obstacles, à des inconvéniens, à des dangers desquels on ne s’affranchirait pas facilement, et dont quelques-uns même sont de telle nature, qu’il faudrait absolument se résigner à les subir en tâchant de s’en accommoder comme de servitudes naturelles. C’est donc à Panama véritablement qu’on est réduit. Là seulement on peut espérer, sans une dépense extrême, une communication accessible aux plus forts navires, et aujourd’hui on semble autorisé à y compter.

Il est un projet de canal auquel on ne peut s’empêcher de comparer celui de l’isthme américain. Je veux parler du percement de l’isthme de Suez. Ces deux isthmes sont associés dans tous les esprits ; il n’est pas une intelligence où Suez ne rime à Panama.

L’isthme de Suez se présente au premier abord sous l’aspect le plus avantageux pour le creusement d’un canal. C’est un sol bas que les eaux n’ont encore qu’à demi abandonné. Il est impossible à l’observateur de ne pas demeurer convaincu qu’autrefois la mer passait par là, et que l’Afrique, complètement détachée de l’Asie, fut longtemps une île ; car, lorsque de Suez on se dirige sur Thyneh, qui est à côté des ruines de Péluse, sur l’autre revers de l’isthme, baigné par la Méditerranée, on rencontre d’abord un bassin allongé, si creux, que le fond en est à 16 mètres au-dessous de la basse-mer à