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tronisation de la maison de Hanovre, il y a cent vingt-sept ans, comme le dernier terme des agitations sérieuses produites par la révolution, qui ne pensent que si depuis cette époque, les tentatives faites à main armée par les Stuarts ont pu à deux reprises jeter dans la Grande-Bretagne un moment de désordre matériel, aucune perturbation vraiment grave n’y a, pendant ce long intervalle, entravé la marche régulière et constitutionnelle du gouvernement, que la royauté y a toujours été respectée, le pouvoir exercé avec dignité, les partis contenus dans leurs débats les plus violens par un sentiment profond de la grandeur et des intérêts du pays ; en un mot, que sous George Ier, sous George II, et dans les premières années de George III, l’Angleterre s’est montrée ce que nous la voyons aujourd’hui, ou plutôt encore ce que nous l’avons vue il y a quelques années.

Telle n’est pourtant pas, à beaucoup près la vérité. En Angleterre, comme en tout pays, l’expérience nécessaire pour diriger un gouvernement représentatif, bien qu’on y fût mieux préparé qu’ailleurs, n’a pu être acquise qu’au prix de longues et pénibles épreuves. L’esprit public, qu’on y admire à si juste titre, ne s’est formé que peu à peu, et n’est arrivé que lentement à se concilier avec l’esprit de parti, élément indispensable des états libres. Là aussi il a fallu bien du temps pour réparer les atteintes fâcheuses que portent aux principes d’ordre public et de morale politique les révolutions les plus inévitables et les plus modérées, pour rallier au gouvernement nouveau les soutiens naturels du pouvoir, ces classes de propriétaires, portées par instinct à se défier des changemens, alors même qu’elles n’y sont pas décidément hostiles, ces hommes timides et honnêtes que tout gouvernement doit s’attacher à rassurer, s’il veut lui-même s’affermir, parce que, hors d’état de rien créer par eux-mêmes, ils possèdent ce singulier privilége que leur seule adhésion peut consolider ce que d’autres ont fondé. Là, enfin, la dynastie nouvelle, long-temps en butte aux outrages des factions, accusée à chaque instant de sacrifier à ses propres intérêts les intérêts de l’état, insultée tout à la fois par ceux qui avaient contrarié son avénement et par ceux même qui, l’ayant favorisé, se croyaient en droit de lui reprocher amèrement son ingratitude dès qu’elle hésitait à satisfaire leurs exigences, la dynastie nouvelle vit s’écouler des générations entières avant de parvenir à inspirer ce respect religieux qui fait la force morale du trône, mais que les peuples accordent difficilement aux institutions qu’ils ont élevées de leurs mains, qui sont nées sous leurs yeux. Pendant près d’un siècle, l’Angleterre fut en proie à des dissensions d’autant plus incessantes,