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Le législateur ne doit que la liberté aux adultes, mais il doit protection aux enfans et aux adolescens. On concevrait donc que le bill qui réduit le travail des enfans à six heures et demie par jour fixât, s’il faut en venir là, un maximum de douze heures à celui des adolescens jusqu’à l’âge de vingt-un ans, comme le demandait en 1841 le ministère whig. Si quelque manufacturier se trouvait gêné par cette règle, il aurait la ressource de n’employer que des hommes faits. Pourtant il faudrait que la prescription fût impérative pour toutes les industries, à l’exception de celles à qui le foyer domestique sert d’abri ; le moyen de contrôle, je l’ai déjà dit, serait, non pas dans les visites plus ou moins fréquentes des inspecteurs, mais dans un bon système d’éducation. Que l’on rende la présence obligatoire à l’école pour les enfans pendant une partie du jour, et le soir pour les adolescens, et l’on atteindra le seul but raisonnable que doive se proposer le pouvoir social.

Faut-il considérer les femmes adultes, ainsi que le demandent sir J. Graham et lord Ashley, comme n’ayant pas leur pleine liberté d’action et comme vivant dans cet état de minorité qui réclame la tutelle de la loi ? Ce serait forcer le sens des faits. La femme, en perdant la protection de la famille et du législateur, acquiert par compensation celle de l’époux qu’elle a choisi. Relativement au travail, le mari et la femme ont la même indépendance ; ils ne sont liés que par leurs besoins. C’est à diminuer le poids de ces nécessités qu’un gouvernement prévoyant devrait s’attacher. « L’excès de travail, dit le Times avec raison, n’est, sous une autre forme, que l’insuffisance du salaire. » Mais qu’est-ce qui fait l’insuffisance du salaire, sinon la cherté du pain, du sucre, du thé, et de tous les objets de consommation frappés par l’impôt ? Que l’on modère donc l’impôt, celui qui profite au propriétaire foncier comme celui qui ne profite qu’à l’état ; pour améliorer le sort des classes laborieuses, c’est le chemin le plus court et le plus sûr.


LÉON FAUCHER.