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LE SALON.

tistes qui n’y paraissent guères portés par la nature de leur talent, s’il faut en juger par ce Jésus guérissant les malades, lourde contrefaçon vénitienne, dans laquelle M. Chambellan a cru mettre de la couleur en cousant çà et là sur sa toile quelques lambeaux d’étoffes taillés dans les Noces de Cana.

Cette recherche de l’effet matériel de la peinture aux dépens de la signification morale a conduit aussi M. Glaize à rabaisser jusqu’à la familiarité bourgeoise, dans sa sainte Élisabeth de Hongrie, une scène d’un pathétique noble et élevé. C’est un Ostade en grand, moins cependant la finesse et l’harmonie. Des tons vigoureux, une touche ferme, des contrastes fortement accusés, donnent à cette peinture un grand relief et une physionomie originale. Avec un peu plus de délicatesse, de transparence, et moins de papillotage, M. Glaize pourra certainement arriver au résultat qu’il paraît poursuivre ; mais il nous permettra de regretter qu’il n’ait pas continué à marcher dans la voie qui lui avait si bien réussi pour sa Psyché et son Armide, Le saint Didyme et saint Théodore, de M. Bigand, quoique exécuté aussi au point de vue du coloriste, réalise l’effet cherché sans des sacrifices trop coûteux. Un bon sentiment de couleur ne saurait jamais gâter une peinture, religieuse, historique, de style, ou de quelque nom qu’on l’appelle.

La Notre-Dame de Pitié, ou, comme on dit en Italie, la Pietà de M. L. Boulanger, nous offre une nouvelle variation du goût de cet artiste ; et ce ne sera pas probablement la dernière. M. Boulanger est un peintre éclectique, comme on peut s’en assurer par ses peintures de la chambre des pairs, où il a changé de style et de manière aussi souvent que de sujets et de panneaux, allant des Italiens aux Espagnols, de ceux-ci aux Flamands, non sans faire quelques pointes sur le domaine des maîtres contemporains. Ceci n’est ni une critique ni un éloge, c’est un simple fait. Dans ces variations, il n’a conservé que sa couleur, qui n’est ni des plus distinguées, ni des plus riches, ni, s’il faut le dire, des plus aimables. Sa Pietà est, il est vrai, un sujet triste, qui n’exigeait pas d’éclat, mais il a peut-être un peu trop prodigué les tons gris, fumeux et sourds. L’exécution, en général, manque de fermeté et de ressort. Cette mollesse, ce défaut d’accentuation se retrouvent également, et dans la composition, qui est bonne comme disposition générale des figures, mais qui n’offre aucun motif neuf ou saillant, et dans le style qui, sans être vulgaire, manque cependant de caractère et de grandeur, et dans l’expression, qui est d’une vérité un peu commune et n’atteint pas au haut pathétique réclamé par le