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LES THÉÂTRES.

ment de complément et de sanction. La nécessité de l’autorisation préalable appelle le gouvernement à intervenir dans la formation des établissemens, pour constater que le fondateur possède les moyens nécessaires au succès matériel de l’entreprise, pour assurer, à l’aide d’un cautionnement, les droits des personnes intéressées en qualité de spéculateurs ou d’artistes, et l’exécution des conditions du privilége. Le partage des genres, assignant à chaque théâtre un ordre spécial d’études, prépare au public des jouissances plus dignes de lui, et empêche des profanations décourageantes pour les scènes d’un ordre élevé. La limitation du nombre proportionne les spectacles aux besoins de la population et prévient l’invasion honteuse de la concurrence mercantile dans le domaine des arts. L’empereur voulait plus encore. Il se faisait un noble devoir d’assurer la prospérité de l’Opéra et du Théâtre-Français : il les considérait comme des institutions nationales, dont la splendeur dispendieuse devait être entretenue aux dépens de la spéculation égoïste et mesquine. Il n’hésita donc pas à assujétir toutes les scènes secondaires à une redevance envers l’Opéra, et à coup sûr, s’il n’étendit pas le bénéfice de cette mesure jusqu’à la Comédie-Française, c’est qu’elle était alors dans une veine remarquable de prospérité. Il attribua du moins au Théâtre-Français et à l’Opéra-Comique la propriété des pièces de leurs répertoires, tombées dans le domaine public, et voulut qu’aucun autre théâtre ne pût emprunter des pièces à ces répertoires, « sans l’autorisation des propriétaires et sans leur payer une rétribution qui serait réglée de gré à gré. » À Paris, le droit de donner des bals masqués fut conféré à l’Opéra seul, et, dans les départemens, aux théâtres approuvés. Plus tard, la Comédie-Française fut autorisée à appeler dans ses rangs tout acteur qui recevrait du gouvernement un ordre de début.

Dans cette organisation, tout se combine et s’enchaîne. L’Opéra, entretenu par l’état, subventionné par les théâtres secondaires, est à la tête des théâtres lyriques ; au-dessous de lui, l’Opéra-Comique, enrichi par son répertoire spécial, et l’Opera-Buffa, son annexe. La tragédie et la haute comédie, en grande faveur alors, sont comme le patrimoine du Théâtre-Français, dont l’Odéon est une annexe pour la comédie seulement. Un répertoire composé de tous les chefs-d’œuvre de notre littérature, et le droit d’absorption consacré par les ordres de début, assurent la suprématie de la première scène française. À un degré inférieur s’ouvrent, pour les esprits moins cultivés, la Gaîté, l’Ambigu-Comique, affectés au mélodrame, les Variétés et le Vaudeville, consacrés au genre qui a donné son nom à ce dernier