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théâtre ; plus tard, on tolère la Porte-Saint-Martin pour le drame et le ballet villageois, et le Cirque-Olympique pour les exercices d’équitation et les pantomimes équestres. Les théâtres secondaires sont abandonnés à eux-mêmes ; l’industrie privée, qui les soutient à ses risques et périls, est rendue tributaire de l’Opéra, à qui elle paie le vingtième de ses recettes. Seuls, les grands théâtres sont jugés dignes d’une protection spéciale, et placés sous la tutelle d’un surintendant des spectacles chargé de veiller à la prospérité de l’art dramatique comme au bien-être de ceux qui contribuent aux plaisirs du public.

Sous ce régime, le théâtre fut florissant. L’art lyrique, il est vrai, n’excite pas encore cet enthousiasme un peu trop exclusif, auquel le génie de Rossini devait habituer le public français. L’Opéra impose à l’état de lourdes dépenses malgré les divers avantages qui lui ont été ménagés. Les Italiens, dont les talens sont appréciés par des juges délicats, n’ont pas encore conquis la vogue. Mais l’Opéra-Comique fait la fortune de la société qui l’exploite ; il réunit sous les yeux du public des comédiens si habiles, qu’on remarque à peine qu’ils sont en même temps de très habiles chanteurs. Quant à la Comédie Française, elle est, sans contestation, le premier théâtre du monde ; l’empereur ne dédaigne pas d’ajouter le prestige d’un art national à l’éclat de sa propre gloire, et, dans les capitales conquises par nos armes, il convie l’Europe à la représentation des chefs-d’œuvre qui honorent le plus l’esprit français. L’Odéon, exploité par Picard, traduit devant le parterre les ridicules de notre société nouvelle. Les scènes secondaires suffisent à la curiosité des classes laborieuses, qu’elles captivent par des émotions honnêtes. L’école littéraire fondée sous la restauration affecte de traiter avec mépris la période impériale. Nous éviterons de discuter des questions étrangères aux intérêts administratifs qui nous préoccupent ; mais, sans sortir de notre sujet, nous ferons remarquer tout ce qu’il y a d’injustice à déprécier un régime qui a développé une vive émulation parmi les écrivains comme parmi les acteurs, et contribué puissamment à la prospérité matérielle des théâtres.

La loi qui a constitué cette organisation est encore en vigueur, car la législation de septembre 1835 s’est bornée à consacrer des principes que la révolution de juillet avait mis en question, mais non pas abrogés. Toutefois, dans ces derniers temps, des concessions nouvelles, accordées légèrement et sans que les besoins du public et l’intérêt de l’art eussent été pris en considération, ont complètement dérangé l’équilibre nécessaire à la prospérité des théâtres. Nous reviendrons sur ce sujet ; notre but, quant à présent, est seulement de