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plement tolérées, donnent des représentations dans Paris, et 12 salles, dont 6 peu importantes, sont ouvertes à ses portes, dans la banlieue. Sur les 5 grands théâtres, dits théâtres royaux, 3 sont consacrés à l’art lyrique, 2 à la tragédie et à la comédie ; 4 théâtres secondaires exploitent le vaudeville exclusivement ; 9 sont affectés au mélodrame et au vaudeville concurremment ; les 5 spectacles de curiosité empiètent sur le genre dramatique en donnant des pantomimes, des farces et des vaudevilles ; 2 salles, dont une détruite récemment par un incendie, sont destinées aux enfans. Les priviléges du théâtre Molière, des Nouveautés et de la Renaissance ne sont pas actuellement exploités, et doivent être considérés comme éteints. Aucun genre particulier n’est imposé aux théâtres de la banlieue. Ces diverses entreprises, déjà trop nombreuses, ne sont pas les seules qui convient chaque soir le public à la dissipation. Les concerts, les bals, sont autorisés sur tous les points : le chant est introduit dans des salles où le prix d’entrée est inférieur au moindre billet des théâtres privilégiés. Des exhibitions de tous genres provoquent la curiosité. En été, un théâtre équestre retient les promeneurs aux Champs-Élysées. L’administration publique semble épuiser tous ses efforts pour amuser le peuple de la capitale : sollicitude louable sans doute, mais dont les effets n’ont pas été suffisamment prévus et calculés.

Quel est le principe de la loi qui confère au pouvoir supérieur le droit de donner des priviléges ? Si on s’imagine que le devoir du gouvernement consiste seulement à prescrire certaines formalités d’ordre et de police, si le privilége est dû à quiconque est en mesure d’accomplir ces formalités, nous n’avons rien à répondre, et les choses se sont passées régulièrement ; mais telle n’est point la mission d’un pouvoir qui se respecte parce qu’il veut être respecté. S’il est juge souverain en matière d’entreprise théâtrale, c’est à la condition de maintenir cette discipline littéraire qui est une garantie de moralité publique. Les législateurs de la convention s’étaient placés à cette hauteur de vues, lorsqu’ils attribuaient la surveillance de l’art dramatique au comité chargé de diriger l’éducation nationale. Il serait peu digne d’une autorité tutélaire d’envenimer une concurrence déjà trop active, de pousser à une ruine presque certaine ceux qu’elle semble favoriser par la concession d’un monopole, d’avilir les spéculations littéraires par les souillures de la banqueroute.

Dira-t-on que l’augmentation du nombre des théâtres a suivi les progrès de la population parisienne ? C’est ce qu’il convient d’examiner. En 1808, la population était de 600,000 ames environ. Le der-