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consuma l’ame ardente de Pascal avait peu de prise sur les ames, et partant peu de périls. Mais en est-il de même aujourd’hui du panthéisme ? et croit-on faire paraître une haute prudence quand on vient dire à un siècle malade et profondément agité par les doctrines de Spinoza et de Hégel qu’il n’y a point de milieu entre le catholicisme et ces doctrines, ce qui revient à dire au fond, je le répète, que le panthéisme est avoué par la raison, bien loin de lui être contraire ; que c’est même le seul système vraiment raisonnable, et que, pour renoncer au panthéisme, il faut en même temps renoncer à tout libre et exercice de son intelligence.

Je le demande à tout homme sage, à tout esprit impartial et mesuré, est-ce là une ligne de conduite vraiment droite, vraiment prévoyante ? Que diraient de nos théologiens et de nos évêques ces grands esprits du xviie siècle, si fermes dans la foi, si dociles pour l’autorité de l’église, mais si libres en même temps, si calmes, si attachés aux droits de la raison ? Fénelon a écrit une réfutation de Spinoza ; s’est-il servi pour cela des saintes Écritures ? Nullement ; il a combattu Spinoza en philosophe, par les seules armes de la logique et de la raison. Il est vrai qu’en réfutant Spinoza, il lui dit peu d’injures, il ne l’appelle point sophiste et pauvre logicien ; mais, pour être réduite à de bonnes raisons, sa réfutation en est-elle moins solide ? Bossuet, lui aussi, a engagé le père Lami à écrire contre Spinoza. S’agissait-il d’une discussion théologique ? Pas le moins du monde. Il s’agissait de se placer, sur le terrain même de Descartes, et par les propres principes du maître, que Spinoza, suivant Bossuet, avait mal entendus, de ramener au vrai de téméraires et infidèles disciples. Comme Bossuet et Fénelon, Clarke et Leibnitz attaquèrent avec force le spinozisme, sans emprunter jamais d’autre appui que celui d’une métaphysique profonde. Voilà les exemples que le xviie siècle a légués au clergé, voilà les traditions qu’il devrait recueillir et continuer au lieu de s’engager dans des voies nouvelles, inconnues à la sagesse de ses plus glorieux devanciers, pleines d’écueils et de dangers. Mais non. Si nous en croyons la haute prudence de M. l’abbé Bautain, la profondeur de M. l’abbé Maret, il faut dire que Bossuet, Fénelon et Leibnitz ont manqué de prévoyance et de pénétration. Ces grands esprits ont pensé que le panthéisme était aussi contraire à la raison qu’à la foi, qu’on ne pouvait être à la fois raisonnable et panthéiste. Erreur, faiblesse d’esprit ! C’est le contraire qui est la vérité. Le panthéisme est sans doute opposé à la foi, mais il est parfaitement conforme à la raison. Quiconque cherche avec sa raison à s’expliquer la nature de Dieu et ses rapports avec