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le monde, quiconque en un mot cherche à s’éclairer, d’un esprit libre et d’une ame sincère, sur les grands problèmes qui intéressent l’humanité, loin d’aboutir à la philosophie généreuse des Descartes, des Fénelon et des Leibnitz, tombe nécessairement, par la force même des choses, dans le panthéisme. Et comme le panthéisme est au fond identique à l’athéisme, il s’ensuit finalement que l’athéisme est le dernier mot de la philosophie et de la raison.

Que les hommes sages du clergé y prennent garde : la direction actuelle de sa polémique est un danger immense pour la religion. Les apologistes du catholicisme, depuis trente années, sont entièrement dévoyés. Au lieu de suivre la grande route du xviie siècle et de soutenir avec force l’accord de la révélation avec la raison, ils prennent la route opposée, celle d’un pessimisme funeste, également contraire à la dignité et aux intérêts du christianisme. Que la raison s’égare, que la philosophie chancelle et fasse un faux pas, qu’un système erroné séduise un instant les intelligences, au lieu de conseiller et de redresser la raison, le clergé la pousse dans sa fausse voie, non pour la ramener ensuite et pour la sauver, mais pour la perdre à jamais. Qu’arrive-t-il de là ? C’est qu’au lieu de combattre l’erreur, on la fortifie. Oui, Pascal en son temps, et M. de Lamennais dans le sien, ont servi à leur insu la cause du scepticisme, et j’ose dire qu’à l’heure qu’il est, les livres de M. Bautain, ceux de M. Maret, et les recommandations de M. l’archevêque de Paris, loin de nuire au panthéisme, ce qui est sans aucun doute leur intention, ne servent qu’à le fortifier et à le répandre. Ajoutez que les erreurs se succèdent sans cesse, d’autant plus éphémères qu’elles sont plus éloignées du vrai. Hier c’était le scepticisme, aujourd’hui c’est le panthéisme ; demain, peut-être, ce sera un autre système. Quel spectacle que celui d’une polémique qui, au lieu de reposer sur des principes constans, comme il sied si bien aux organes d’une religion immuable, change ses principes au gré du temps et des circonstances, et, après avoir un certain jour condamné pour jamais la raison et la philosophie à une erreur particulière, vient leur imposer le lendemain avec la même assurance l’erreur justement opposée. Dans ces variations déplorables, dans cette stratégie qui paraît si habile et qui est si vaine, périssent avec toute puissance toute noblesse et toute dignité.

On s’attend bien que nous n’allons point discuter, l’histoire de la philosophie à la main, la vérité de cette thèse, toute de circonstance, que la philosophie aboutit nécessairement au panthéisme. Si cette découverte des modernes apologistes du catholicisme avait le moindre