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pour être juste envers lui, on doit des éloges à son imagination, à son talent d’écrire, à son aplomb précoce ; toutefois, nous eussions eu pour M. de Montalembert plus d’ambition que lui-même. Nous eussions désiré plus de solidité et moins de fracas dans l’attitude qu’il a prise. Au lieu de planter son drapeau à l’extrême gauche du parti catholique, n’y aurait-il pas eu pour lui un honneur plus réel à prendre son rang avec une gravité modeste parmi les hommes vraiment politiques de l’assemblée à laquelle il a l’honneur d’appartenir ?

Le jeune pair obtient les applaudissemens de ce qu’un certain catholicisme compte de plus excentrique ; mais, dans l’assemblée même qui lui prête une si indulgente attention, a-t-il beaucoup d’approbateurs ? Il a sans doute une foi robuste dans la valeur de ses convictions ; néanmoins, si fortes qu’elles soient, il pourrait peut-être éprouver certains doutes en se voyant si souvent réfuté, repris par les hommes les plus graves de la chambre où il siége : M. le duc de Broglie, M. Rossi, M. le comte Portalis, M. le comte Roy. Il y a dans la chambre des pairs un grand nombre d’hommes sincèrement religieux que le catholicisme de M. de Montalembert, loin de satisfaire et d’édifier, offusque et révolte.

La tâche de défendre l’Université, si violemment attaquée par MM. de Montalembert et de Barthélemy, revenait de droit à M. le ministre de l’instruction publique, qui a su la remplir. M. Villemain, qui, par un lumineux exposé des motifs, avait bien posé la question et bien préparé le débat, n’a pas cru devoir intervenir dans la discussion générale par une nouvelle exposition des principes de la matière ; il s’est réservé pour la réplique dans les cas où des opinions émises par certains orateurs ne pouvaient rester sans réponse de la part du gouvernement. L’intervention de M. le ministre des affaires étrangères dans le débat a été fort remarquée ; ç’a été de la part du cabinet une manifestation volontaire, préméditée, dont il convient de mesurer la portée politique.

Si l’art de gouverner consistait uniquement dans l’appréciation judicieuse et profonde des faits sociaux qui se passent sous nos yeux, on pourrait dire que le discours de M. le ministre des affaires étrangères est un acte de gouvernement. M. Guizot a parlé de l’église, de sa mission, de ses droits, avec une grave et digne impartialité ; il a caractérisé avec bonheur le juste empire de la religion sur les ames, mais il a demandé si l’église pouvait raisonnablement se flatter de suffire aujourd’hui à la direction des esprits. L’Université fait ce que ne saurait faire l’église, voilà son titre, voilà ce qui la recommande à l’estime du pays. Quant au gouvernement, il a pour devoir de maintenir la liberté de la pensée et de la conscience, ainsi que le caractère séculier de l’état et son indépendance absolue. L’état est laïque, a dit M. Guizot, et doit rester laïque pour le salut de toutes les libertés que nous avons conquises.

Déjà ces idées, si incontestablement justes, avaient été portées à la tribune