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SIMPLES ESSAIS


D’HISTOIRE LITTERAIRE




V.
DE L’ESPRIT DE DESORDRE EN LITTERATURE.




Les grands siècles littéraires sont, dans l’histoire, de brillantes exceptions qu’il ne dépend pas d’un autre siècle d’égaler : ce sont les bonnes fortunes de l’esprit humain. Les chefs-d’œuvre n’obéissent point à un mot d’ordre, n’arrivent pas au rendez-vous à l’heure dite, et ne viennent pas sur un geste se ranger à la file pour former un bataillon indestructible et sacré. Auguste et Mécène auraient eu beau prendre Bavius et Mœvius au berceau, les entourer d’influences salutaires, les combler de faveurs insignes : Bavius et Mœvius ne seraient jamais devenus Horace et Virgile ; et l’on croira volontiers qu’il était plus facile à Napoléon de gagner une seconde fois la bataille d’Austerlitz que de faire sortir Polyeucte ou Andromaque du cerveau de M. Luce de Lancival. On découvre et on développe le génie, on ne l’invente pas. Or, le dieu n’est pas toujours chez Admète, souvent il n’est nulle part, et on perdrait son temps à le chercher. Puis, par un étonnant contraste, le dieu se multiplie, et alors il arrive que, dans