Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/880

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

magiques. » Puis, ce sont des conseils à tout le monde, à tous les poètes, à tous ceux qui chanteront la liberté, conseils d’un chef, hautes et graves paroles d’un homme qui a beaucoup vu et combattu long-temps. Et quel dédain, quelle altière et charmante ironie dans cet avertissement qu’il jette à M. Herwegh :


« Mais toi, nouveau couronné, si la galère de ta muse occupe la cime des plus hautes vagues dans cette mer orageuse de la popularité, penses-tu qu’elle veuille t’élever toujours jusqu’aux étoiles ? Du haut de ton vertige, vois le banc de sable et tremble.

« Et si recueil brise ta barque, alors courage ! Une planche te portera sur le bord, toi et ton laurier. Construis un radeau neuf, fends hardiment la mer, mais gouverne mieux cette fois et protège plus fidèlement l’honneur de ton pavillon. »


Après cette vive introduction, M. Grün arrive à son héros, à son Nibelungen. Ce Nibelungen est un prince du siècle dernier, c’est le duc Maurice-Guillaume, fils du duc Christian II, de la maison de Saxe-Mersebourg, né à Mersebourg le 5 février 1688, mort le 21 avril 1731. Nous voici bien informés, nous savons les dates. D’ailleurs nous pouvons recourir, pour plus amples renseignemens, à des livres qu’il nous indique, à l’histoire de la littérature comique de Floegel, et aux mémoires du baron de Poelnitz. Charmant défi que nous jette le spirituel écrivain ! car, malgré l’histoire, malgré Floegel et le baron de Poelnitz, malgré la réalité très authentique des vertus de son héros, c’est surtout un tableau de fantaisie qu’il a tracé. Le duc Maurice-Guillaume était le meilleur des ducs, à ce que dit l’histoire, et il aimait passionnément la musique ; M. Grün nous composera avec cet inoffensif Nibelungen un petit poème d’une grâce tout-à-fait avenante. Figurez-vous le roi d’Yvetot, non pas celui qui est si bon vivant et si joyeux, celui qui a lu Rabelais et les fabliaux, mais un roi d’Yvetot bien allemand, original comme un héros d’Hoffmann, sensible et affectueux comme quelques-unes des meilleures figures de Jean-Paul, un roi d’Yvetot du côté de la Saxe et de la Thuringe, adorant la musique et les fleurs, le duc de Mersebourg enfin. Vous assisterez à son éducation, aux longues causeries de l’enfant avec son précepteur ; vous le verrez sur le trône, occupé de musique et jouant du violon. Ce violon joue là un rôle très important : quelle douceur ! quelles mélodies ravissantes ! c’est la lyre antique élevant les cités sacrées. Si Maurice-Guillaume médite sur les devoirs des princes, c’est son violon qui les lui enseigne ; il y a un chapitre où le bon duc apaise une sédition avec ce mélodieux archet. Quand il voyage, les