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l’industrie, de substituer, en un mot, des lois fort claires et fort simples, contre lesquelles on ne s’aviserait point de réclamer, à ces capricieux systèmes de taxes, appliqués encore aujourd’hui, si arbitraires, si contradictoires, et qui, à vrai dire, ne sont autre chose que la spoliation organisée.

M. Gonzalo Moron a débattu la question militaire avec une sagacité remarquable dans une série d’articles publiés également en 1 842 sous le titre De la organizacion milîtar en sus relaciones con el estado (De l’organisation de l’armée et des conséquences qui en doivent résulter pour l’état) ; il y montre par suite de quels malheurs et de quelles fautes l’armée espagnole, trop souvent abandonnée à elle-même, a contracté l’habitude anti-nationale de contrôler et de rapporter au gré de ses caprices les mesures décrétées par l’autorité politique. Mais quand il sera bien établi que l’armée a cessé d’être, entre les mains des partis, un moyen de gouvernement ou de révolution, quelle province pourra hésiter à fournir son contingent. ? La même réforme entraînera des résultats analogues pour la justice et pour toutes les branches de l’administration.

La réorganisation de l’armée implique nécessairement le développement ou plutôt la création d’une marine nationale. Le cœur se serre quand on songe à l’abaissement de cette fière marine espagnole, qui autrefois dominait dans toutes les mers navigables : nous ne parlons pas seulement de son matériel si misérable en ce moment qu’il suffirait d’une tempête pour le disperser et l’anéantir, mais de l’entêtement systématique de ses matelots, de ses officiers, de ses pilotes, de ses officiers-généraux eux-mêmes, dont la tactique routinière s’insurge aveuglément contre les moindres tentatives de réforme et d’amélioration. Dans la Revista de España y del Estranjero, don Manuel Posse vient de publier un beau mémoire sur un collège naval que l’on se propose de fonder à Cadix. Hélas ! c’est là un édifice dont la première pierre est encore à façonner, les marins de l’Espagne ignorant pour la plupart jusqu’aux élémens les plus vulgaires des sciences qui devraient leur être le plus familières. Et, en vérité, ce n’est rien que la décadence de l’Espagne comme puissance maritime, si on la compare à la situation déplorable de la navigation intérieure, qui aujourd’hui est pour la Péninsule d’une bien autre importance. A dater du XVIe siècle, où le célèbre ingénieur De la Riva essaya de rendre le Guadalquivir navigable, que n’a-t-on pas fait pour canaliser l’Espagne ! Tout a dépéri, tout a fini par un avortement à peu près complet, faute de fonds bien souvent, plus souvent encore faute de connaissances spéciales. Après un demi-siècle de travaux et de dépenses épuisantes, cet immense canal d’Aragon, qui devait unir la Méditerranée à la mer de Biscaye, est à peine praticable sur un espace de quinze à seize lieues ; on n’a pu réussir à y attirer une masse d’eau assez considérable, bien que l’on fût dans le voisinage de l’Èbre et des innombrables rivières qui de tous côtés aboutissent à ce fleuve. Pour le canal de Lorca, c’est tout le contraire : l’eau y est venue en si grande abondance, qu’elle a rompu ses digues, submergé les campagnes, emporté une foule d’ouvriers et jusqu’à l’entrepreneur