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coche que les Ephémères, quoiqu’il y ait une grande différence entre les deux. M. Meilheurat n’a pas de vocation prononcée pour un genre quelconque de poésie, il les cultive tous indistinctement, et, dans l’espace de deux cents pages, il trouve le moyen de faire des dithyrambes et des fables, des épîtres et des élégies, des épigrammes et des poésies diverses. N’allez pas croire cependant que le pinceau soit délié et la palette opulente ; la palette est pauvre et le pinceau indécis. Lorsque l’inspiration est absente, il n’en coûte pas davantage pour monter le dithyrambe ailé, ou pour suivre pas à pas la dolente élégie ; on est prêt à tout, on s’essaie à toute chose sans hésitation, et au moment où l’on croit faire acte de prodigue, on donne des preuves irrécusables d’indigence. C’était la mode autrefois, et si déraisonnable que soit une mode, on comprend qu’elle soit suivie quand elle règne ; mais quand elle est passée ! Or, M. Meilheurat débute comme un versificateur de l’empire aurait été enchanté de finir. Le Simple Recueil ressemble à s’y méprendre à une livraison de l’Almanach des Muses. Si de ce point de départ le jeune auteur prétend à quelque avenir, il a bien des progrès à faire. Qu’il se fortifie d’abord par la réflexion et l’étude persévérante de la langue. Ce dernier conseil, Béranger le lui a donné spirituellement, non sans ironie, dans une lettre placée en tête du volume. « C’est à l’étude de la langue française qu’il faut vous attacher, si vous devez continuer de cultiver la poésie, » dit le chantre du Roi d’Yvetot à M. Alfred Meilheurat. — Que les jeunes poètes, avant de les placer en tête de leur recueil, comme un passeport glorieux, lisent attentivement les lettres du malin chansonnier !

M. Charles Domet publie des Réflexions et des Impressions poétiques qui commencent par un morceau intitulé : Tout est vanité. Ce poète est triste, désabusé ; il a besoin de s’égayer un peu. Quant à son livre, il manque d’air et de soleil. — M. Lirou-Bastide apporte une innovation, il place sa poésie dans l’histoire naturelle. Quoique M. Lirou-Bastide ait quelque facilité et ne soit pas dénué de goût, il est à supposer qu’il est meilleur botaniste que poète. Avec le système de l’auteur des Mandragores, de plus habiles que lui ne réussiraient qu’à mettre la poésie en serre-chaude. — M. Eugène Mahon ne s’occupe pas de botanique ; son cœur soupirait, il a écouté, et, notant tous les soupirs, il est parvenu à composer les Voix du cœur. Ces voix, quoique modestes, se sont élevées jusqu’à la princesse Troubetskoy, qui a daigné les prendre sous son puissant patronage, comme cela est dit expressément sur la couverture du livre.

Mais pendant que nous discourons paisiblement sur toute cette poésie assez inoffensive, il y a grand bruit sous notre fenêtre ; un homme se démène, lance les gros mots, piétine dans la boue ; ce sont les Colères de M. Amédée Pommier qui passent. Dès le premier mot vous allez le connaître :

J’entends (dit-il) me mettre à l’aise,
Et prouver qu’avant moi notre langue française