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animé d’ailleurs, en matière d’enseignement public, d’idées fort anciennes et déjà fort connues du pays ; il parlera donc à la fois comme homme politique et comme ardent défenseur de l’une des grandes institutions de l’empire, et puisque ses convictions s’accordent aussi bien avec ses intérêts parlementaires, comment s’étonner qu’il ait si vivement aspiré à un rôle qui lui crée une position redoutable et toute nouvelle ? Ce débat paraît devoir faire éclater des dissidences de plus en plus profondes au sein des partis les mieux disciplinés jusqu’à ce jour. C’est ainsi que lorsque M. Thiers avait en face de lui dans son bureau M. Combarel, il recevait, dit-on, les voix de MM. Pascalis et Bernard de Rennes, malgré les plus vives supplications du ministère. Il est à croire qu’il en sera de même dans le cours de la discussion. Celle-ci se compliquera probablement d’un conflit entre les deux chambres et d’incidens inattendus ; aussi paraît-il douteux que le cabinet se décide à en affronter les hasards. On suppose que le projet de loi pourrait bien être retiré. S’il en était ainsi, les difficultés seraient loin d’être résolues, car ce grand problème de l’enseignement, avec toutes les questions qui se lient à l’attitude du clergé, se trouve désormais placé au premier plan des débats parlementaires, et la chambre, comme l’opinion publique, en est directement saisie.

On dit que d’assez notables changemens seront introduits dans le projet de loi par les soins de la commission, mais les bruits les plus contradictoires circulent sur la nature des modifications projetées. La seule chose qui paraisse assurée, c’est que M. Thiers sera en mesure de soumettre son travail à ses collègues à la fin de la semaine prochaine.

Si le ministère s’agite, Dieu mène les affaires, et la question des chemins de fer est assurément l’une de celles qui a le plus manifestement marché par elle-même, en dehors de toutes les directions qu’on aspirait à lui imprimer. Nous avons signalé plus d’une fois les progrès que faisait dans la chambre l’opinion favorable au mode d’exécution par l’état, en laissant pressentir un résultat qui frappe aujourd’hui tous les regards. Ce qu’il y a de spécieux dans cette opinion favorisée par toutes les traditions administratives de ce pays et par les instincts même de la démocratie moderne ne pouvait être combattu que par une volonté énergique du pouvoir. A une idée simple et populaire, il aurait fallu opposer des avantages évidens, des plans bien arrêtés, et la résolution de les faire triompher, même au prix de son existence ministérielle. Le cabinet n’a point agi ainsi ; il a admis sans résistance des dérogations successives et nombreuses à la loi de 1842, et s’est donné le tort impardonnable de présenter à une année de distance des cahiers des charges complètement opposés. L’opinion publique, qui a reconnu tout ce qu’il y’avait d’abusif dans les conditions souscrites en 1843 avec la compagnie du Nord, a cru que de nouvelles résistances aux compagnies concessionnaires détermineraient des conditions de plus en plus favorables, et cette conviction a amené leur discrédit au sein de la chambre. Le contrat usuraire passé par l’ancien ministre des travaux publics a paralysé les bonnes intentions