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trouvant face à face avec le monstrueux visage du géant. Heureusement la fenêtre est trop étroite pour qu’il y puisse passer. Jupiter crie : À moi ! à moi ! Demande sa boîte à poudre, retrousse sa manche jusqu’au coude et s’apprête à darder un coup dans la tête du géant, qui, voyant le péril, enfonce par la croisée un immense tronc de cèdre. — Il ne s’en faut pas de trois doigts que Jupiter ne soit embroché et piqué contre le mur comme une chouette à la porte d’un garde-chasse. L’alarme est donnée ; les dieux jettent par-dessus les créneaux des remparts célestes des fagots, des plâtras, des escabeaux, des eaux de toutes sortes, excepté des eaux de senteur, des poêles pleines de beurre bouillant ; Encelade en reçoit une sur le museau qui, bien que fort chaude, refroidit son courage et lui fait céder sa place à Mimas, qui, plus mince de taille, parvient à s’introduire par l’ouverture. La bataille devient générale. Jupiter monte à cheval sur son aigle et fait une sortie à la tête de tous les dieux. La foudre étonne d’abord les géans, mais elle leur fait plus de peur que de mal. Mars et Encelade se provoquent en combat singulier, mais ils se trouvent si redoutables l’un l’autre, qu’ils se tournent le dos après s’être injuriés, comme des héros d’Homère. Pendant la bataille, une vieille bohémienne fait parvenir Jupiter, par un valet de pied, une lettre ainsi conçue : « Tirésias et Protée ont prédit que cette guerre ne pouvait être terminée à la gloire des dieux qu’avec l’aide d’un fils de mortelle ; c’est l’arrêt du destin. » Cet avis jette le découragement dans l’Olympe, et les dieux sont déjà vaincus ; lorsque revient Typhon avec des géans frais cuirassés de pierres de taille. La déroute est complète, et Jupiter gagne au pied en criant : Sauve qui peut ! Les dieux et les déesses en font autant et détalent comme des Basques ou des coureurs dératés. Pour échapper aux énormes drôles qui le poursuivent en faisant des enjambées plus grandes que le Petit-Poucet avec ses bottes de sept lieues, ils sont obligés de se cacher sous des formes d’animaux. Jupiter se change en bélier, Junon en vache, comme son épithète de Βοοπις lui en donne bien le droit ; Neptune en lévrier, Mome en singe, Apollon en corbeau, Bacchus en bouc, Pan en rat, Diane en chatte, Vénus en chèvre, Mercure en cigogne. Les géans, qui ne sont pas très fins de leur nature, ne savent ce que leurs ennemis sont devenus, et, pendant qu’ils les cherchent, ceux-ci, à la faveur de leur mascarade, gagnent les bords du Nil où ils vont attendre que la chance tourne, et que le jour paraisse de punir cette engeance impie et grossière.

La troupe céleste arrive près de Memphis. Jupiter, peu habitué à être vêtu de laine, a très chaud et se fond en sueur ; il traîne péniblement