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le gigot ; il s’est fourré une épine dans le pied et se laisse choir piteusement sur l’herbe tendre. Dans cette position, il bêle une harangue en grec, et conseille à Mercure de tâcher de dérober quelque habillement et d’entrer dans la ville prochaine pour aller chercher des vêtemens pour les dieux ; un collier de perles que Vénus a gardé à son col paiera la dépense.

Mercure, sans se décigogner, vole au bord du Nil, où des naturels du pays sont en train de se baigner et de chercher des œufs de crocodiles ; le dieu des larcins, naturellement passé maître dans le vol à la tire, s’empare d’une tunique et reprend sa forme, sous laquelle il entre dans Memphis. Il charge un mulet de pourpoints, de manteaux, de jupes et de caleçons, une friperie complète dont les dieux se revêtent après avoir dépouillé leurs déguisemens d’animaux. Ils vont se loger dans une auberge dont l’hôte est cocu et la femme coquette, allitération et rapprochement tout-à-fait vraisemblables, et bientôt leur divinité se révèle par un symptôme que nous vous donnons en mille à deviner, et dont nous laissons toute la responsabilité à la bouffonnerie de Scarron. — Le vulgaire des mortels n’a pas, en général, le gousset fort parfumé, et l’on peut adresser à beaucoup de gens la question : An gravis hirsutis cubet hircus in alis ? Les voyageurs mystérieux se distinguent, au contraire, par l’excellente odeur qui s’exhale de leur aisselle. Cette particularité surprend si fort les gens de la ville, qu’ils n’hésitent pas à reconnaître sur ce seul fait la divinité de leurs hôtes. Ajoutez à cela qu’ils marchent ou plutôt qu’ils glissent sans lever les pieds, comme s’ils patinaient, attribut distinctif des puissances supérieures. Les prêtres de Memphis, informés de ces circonstances, apportent en présens aux célestes étrangers quatre poinçons de vrai baume, des poissons du Nil, des crocodiles, des hippopotames, et deux paires de gants lavés.

Sur ces entrefaites, Hercule., qui était occupé nous ne savons où, rejoint la bande divine, que sa présence ragaillardit, et Mercure est de nouveau détaché en manière d’espion pour voir ce que deviennent les géans. — Les géans continuent à entasser montagnes sur montagnes, et à faire de la Thessalie un vrai pays de casse-cou. Typhon a élevé si haut sa plate-forme, qu’il croit pouvoir bientôt s’asseoir de plain-pied sur le trône de Jupiter ; mais il a compté sans son hôte. L’armée céleste arrive en tapinois, suivie de charrettes pleines de foudres fabriquées à Memphis. Jupiter lâche un coup de foudre, mais seulement pour faire diversion et dissimuler le vrai point d’attaque. Les colosses à moitié endormis se jettent à bas du lit en caleçons, et se portent du côté où