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de l’Inde, ne se trouve cependant mêlé à aucun évènement de quelque importance jusqu’au jour où Aurang-Zèbe monta sur le trône de Dehli. Lorsque le conquérant, menaça de soumettre le sud de l’Inde à ses armes victorieuses, un prince mahratte, doué d’un courage héroïque, Civadjî, dont l’histoire est un merveilleux roman, vint lui opposer une barrière redoutable. Détachant du service des empereurs mogols des corps de cavalerie qu’il avait commandés lui-même, et dont les musulmans tiraient de si grands avantages, il fit un appel aux seigneurs des montagnes. Son père Shahdjî ayant déjà secoué le joug en se déclarant souverain de la principauté dont l’empereur mogol lui avait confié le commandement, Civadjî continua l’œuvre d’émancipation. Soit par l’effet de ses propres inspirations, soit qu’il fût guidé par les conseils d’un vieux brahmane, son précepteur et son oracle dans toutes les occasions où il voulait donner à sa cause un caractère sacré, il rêva la réunion du, pays sous un seul chef, et réalisa son dessein. A mesure que les citadelles tombaient en son pouvoir, par surprise, par la reddition volontaire des garnisons, il agrandissait le théâtre de ses campagnes sans cesser de tenir entre ses mains l’autorité suprême. Comme jamais, avant lui, de si impérieuses circonstances n’avaient donné à un seul prince tant d’ascendant sur la nation, il trouva obéissance et dévouement dans le cœur des plus rebelles au système unitaire ; le fédéralisme s’effaçait de lui-même, parce qu’il se sentait impuissant à reconquérir l’indépendance. Quand Civadjî mourut à cinquante-quatre ans, en 1680, il laissa à son successeur un état compact, dans lequel les brahmanes formaient un corps puissant, voué à la dynastie naissante. La réaction avait été religieuse autant que politique ; les titres de la cour, empruntés à la langue persane et importés de Dehli, firent place à des expressions équivalentes tirées de l’idiome sacré. Encore aujourd’hui, le dialecte du Maharashtra s’est conservé presque entièrement pur de tout mélange ; l’influence musulmane n’y est guère plus sensible que dans les mœurs du peuple.

Le fils du fondateur de la dynastie, Sambadjî, tomba entre les mains d’Aurang-Zèbe ; le grand Mogol avait des vengeances à exercer contre le fils de son ennemi le plus acharné. La tête du prince mahratte tomba ; mais, sous le règne de Sahou-Radja, l’empire acquit tout le développement auquel il lui était donné d’atteindre. Cette masse de petits rois dont la vie se passait jadis à fourrager la plaine et à se retirer avec leur butin sur les cimes de la montagne, ces bandits des highlands qui avaient toujours tenu leur propre pays en échec, se liguant parfois pour repousser l’ennemi commun, et se renfermant dans leurs forts