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après la guerre, venaient de prendre l’offensive. En effet, les Mahrattes étaient maîtres de toute la partie de l’Inde baignée par les deux mers, depuis Agra, au nord, jusqu’au cap Comorin, du côté du sud ; leurs incursions s’étendaient de l’Indus au Bengale, et les nations européennes, à peine établies sur les côtes, les rencontraient partout menaçans. En 1742, les Anglais avaient entouré d’un fossé la ville naissante de Calcutta pour la défendre contre les attaques de leur cavalerie ; le fort de Bassein et l’île de Salsette, enlevés aux Portugais, appartenaient aux successeurs de Civadjî. Il y avait huit ans déjà que les armées victorieuses parties des hautes régions situées au-delà des Ghautts étaient allées brûler les faubourgs de Delhi et insulter à la gloire passée des musulmans. Enfin, les Mahrattes se lièrent par un traité avec le Nizam et le roi de Mysore ; ils figurèrent parmi les quarante mille cavaliers de Hyder-Ali, côte à côte avec les troupes françaises que Lally commandait. Mieux que leur rivaux, les Anglais surent voir dans les Mahrattes les représentans de l’ancienne nationalité hindoue, dont les princes musulmans heurtaient les croyances et faussaient le principe ; aussi s’attachèrent-ils à les comprimer d’abord, puis à les engager dans cette voie de négociations qui a conduit tous les peuples de l’Inde à la servitude.

Le successeur de Sahou, Râm-Radja, prince faible et inepte, fut déposé et enfermé dans la citadelle de Sattarah par les deux grands dignitaires de la couronne, et l’empire se divisa : le trésorier Bagadjî-Bounsla fit de la ville de Nagpour la capitale du royaume d’Orient ; le brahmane Badjî-Rao, premier ministre (pechwa), choisit l’ancienne capitale, Poonah, pour le chef-lieu de sa résidence et du royaume d’occident. Ce dernier mourut en 1769, laissant à son fils la souveraineté avec le titre de pechwa, devenu héréditaire ; deux ans plus tard, en janvier 1761, les Mahrattes, déjà sur le déclin, perdirent, près de Panniput, contre Ahmed-Chah-Abdalli de Caboul, la plus grande bataille que les Hindous aient livrée aux musulmans depuis les temps de la première invasion. Les auteurs mahométans disent que leur propre armée se composait de 42,000 chevaux, de 38,000 fantassins, de 80 pièces d’artillerie, tandis qu’avec un peu d’exagération, ils font monter celle de leurs ennemis à 50,000 chevaux et 15,000 fantassins soutenus par une foule innombrable d’irréguliers, et une artillerie de 200 canons, y compris les pierriers portés par des chameaux. Le camp mahratte renfermait en tout plus de 500,000 personnes, soldats, femmes, enfans, serviteurs, qui périrent pour la plupart dans la défaite. Ce revers terrible arrêta l’élan des princes confédérés ; peu