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Comment se garderaient les profondes pensées
Sans rassembler leurs feux dans ton diamant pur
Qui conserve si bien leurs splendeurs condensées ?
Ce fin miroir solide, étincelant et dur,
Reste des nations mortes, durable pierre
Qu’on trouve sous ses pieds lorsque dans la poussière
On cherche les cités sans en voir un seul mur.

Diamant sans rival, que tes feux illuminent
Les pas lents et tardifs de l’humaine Raison !
Il faut pour voir de loin les peuples qui cheminent
Que le Berger t’enchâsse au toit de sa Maison.
Le jour n’est pas levé. — Nous en sommes encore
Au premier rayon blanc qui précède l’aurore
Et dessine la terre aux bords de l’horizon.

Les peuples tout enfans à peine se découvrent
Par-dessus les buissons nés pendant leur sommeil,
Et leur main, à travers les ronces qu’ils entr’ouvrent,
Met aux coups mutuels le premier appareil.
La barbarie encor tient nos pieds dans sa gaîne.
Le marbre des vieux temps jusqu’aux reins nous enchaîne,
Et tout homme énergique au dieu Terme est pareil.

Mais notre esprit rapide en mouvemens abonde,
Ouvrons tout l’arsenal de ses puissans ressorts.
L’invisible est réel. Les ames ont leur monde
Où sont accumulés d’impalpables trésors.
Le Seigneur contient tout dans ses deux bras immenses,
Son Verbe est le séjour de nos intelligences
Comme ici-bas l’espace est celui de nos corps.