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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/381

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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

Mais qu’un écrivain, un philosophe, un bienfaiteur incontestable des hommes se présente, que ce soit Confucius, Cicéron, Tacite ou Montesquieu, le narrateur ralentit sa marche et s’incline, son accent s’élève ; ainsi, après les plus dignes hommages décernés aux talens de Cicéron, il ajoutera ces paroles éloquentes : « Les juges sévères, qui penseraient que son courage n’a pas toujours égalé ses périls, le compteraient du moins au nombre des derniers amis de la liberté romaine. Ils avoueraient que celui de tous les hommes qui a le plus vivement senti le besoin d’une renommée vaste et immortelle, a pourtant aimé sa patrie aussi passionnément que la gloire. Jugeons-le comme l’ont jugé les triumvirs, quand ils l’ont trouvé digne de ne pas survivre à la liberté publique. » Sur d’autres écrivains qu’il juge plus en courant, il a de ces traits qu’on aime à retenir ; ainsi de Montaigne : « Philosophe, dit-il, non de profession, mais par nature, sans programme et sans système, observant toujours et n’enseignant jamais, Montaigne laisse errer sa pensée et sa plume à travers tous les sujets qu’elles rencontrent : jamais on ne s’est aventuré avec un tel bonheur. » Il est impossible de mieux dire.

En terminant ce premier tableau succinct dont il reprendra plus en détail et développera certaines parties dans la suite de son enseignement, M. Daunou conclut par une page qui est la plus éclatante manifestation en l’honneur du XVIIIe siècle ; il faut la citer en entier, parce qu’elle vérifie beaucoup de nos assertions précédentes sur l’auteur, et parce qu’elle résume et nous représente sous le jour le plus large et le plus lumineux toute sa doctrine :

« Ainsi, messieurs, disait-il, le dix-huitième siècle, sans tenir compte de ses vingt-deux dernières années (il s’arrêtait en 1778, à la date de la mort de Voltaire), est à jamais mémorable par le rapide et vaste progrès des sciences mathématiques et physiques, et des arts qui en dépendent. Ces sciences ont communiqué leurs méthodes rigoureuses à tous les genres de connaissances, et contribué, quoi qu’on en ait dit, à rendre le goût plus pur et plus sévère. Des disciples de Racine et de Boileau ont pris des rangs glorieux au-dessous de ces grands maîtres ; et c’est bien assez rendre hommage aux

    core t. III, p. 505. Mahomet est flétri au-delà de toute mesure : il cumulait en lui le conquérant et le prophète. L’auteur lui refuse, ainsi qu’à son Coran, toute espèce d’influence civilisatrice sur les destinées de l’Orient ; il aurait pu interroger avec fruit là-dessus Bonaparte et ceux qui avaient vu l’Égypte. Qu’y faire ? Mahomet, en son hégire, était très peu de l’an III assurément.