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trouve dans un journal la nouvelle de sa nomination au bourg de Dalford. Ému de la générosité de Coningsby, sachant de quelles pertes il l’avait payée, désarmé d’ailleurs par la mort de lord Monmouth, Milbank avait en effet abandonné sa candidature en faveur de l’amant de sa fille. Coningsby épouse Edith ; bientôt même la frêle Flora meurt en lui laissant les richesses de lord Momnouth, et Coningsby, maître d’une fortune immense, entouré de ses amis d’Eton, qui le reconnaissent pour leur chef, va commencer dans la chambre des communes l’œuvre de la nouvelle génération.

À ce tissu d’incidens et de caractères si mince et si pauvre, M. d’Israeli a attaché deux sortes d’épisodes : des esquisses de vie élégante et ces digressions politiques dont il a voulu faire la partie culminante de son livre. Or, l’accessoire est tellement ici le principal, que l’ombre d’action romanesque sortie des pâles amours de Coningsby et d’Edith n’apparaît qu’au dernier volume. On reconnaît, il est vrai, dans les esquisses de vie élégante, le pinceau initié ; je ne sais cependant si le monde même qui y est représenté peut trouver beaucoup d’attrait à ces légères aquarelles. Moi qui n’en parle qu’à titre d’étranger, j’avoue qu’elles me semblent avoir perdu pour les lecteurs du continent la fraîcheur de nouveauté qui en a fait d’abord la principale saveur. Dans tous ces romans du grand monde, depuis Tremaine, Granby, Pelham (j’y ajoute, si vous voulez, Vivian Grey et Henrietta Temple), vous voyez toujours passer devant vos yeux le même placage : ce sont, plus ou moins bien rattachées par le fil d’une intrigue qui ne sert que de prétexte, des scènes de la vie de château, des causeries de drawing-rooms sous la domination du lion de l’endroit, personnage obligé depuis Brummell, et qui est à cette sorte de roman ce qu’était la grande coquette à nos anciennes comédies, — des promenades à cheval, des parties de chasse, des courses, une saison aux eaux, un voyage à Paris ou en Italie, une soirée d’Almack’s : toutes choses qui ont aujourd’hui autant vieilli pour nous que le marivaudage buriné de ces livres de beauté et les paysages effacés de ces keepsake qui excitaient notre admiration il y a quelque dix ans. En fait d’épisodes de ce genre, on peut signaler dans Coningsby une peinture du collége d’Eton par lequel ont passé depuis deux cents ans les plus grands hommes et toute l’aristocratie d’Angleterre, la splendide hospitalité de Coningsby-Castle, une vive description de steeple-chase et le voyage de Coningsby a Paris. Cette dernière digression nous touche d’assez près pour mériter de notre part une courte halte.

Il y aurait ingratitude à ne pas savoir gré à M. d’Israeli des sympathies