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bien qu’autrement observables que les faits de l’histoire naturelle ; et, content de cette première victoire, il s’arrête et semble, après avoir constaté des phénomènes, spéciaux, hésiter à leur attribuer un sujet spécial comme eux. L’être spirituel lui paraît plutôt une haute probabilité, et il n’en fonde l’existence que sur une démonstration négative, le néant des preuves du matérialisme. Je sais que c’est déjà plus en dire que tel des pères de l’église ; je sais que c’était garder la position prise par Stewart ; je sais, enfin, qu’il y avait un peu d’ironie dans ce respect exclusif pour l’observation des phénomènes, ou du moins une condescendance calculée aux prétentions des sciences naturelles. Toutefois, je suis forcé de rappeler que la philosophie a des droits plus étendus, que la raison en elle-même est plus féconde, et j’ajoute qu’il y a loin de ce modeste début aux conclusions rationnelles qu’il saura quelque jour tirer de la psychologie même, lorsque, franchissant les bornes de l’empirisme écossais, il restituera dans la science toutes les vérités sublimes et familières, titres impérissables de la vieille foi du genre humain.

Mais nous ne prétendons pas ici suivre tout le développement de sa philosophie. Contentons-nous d’en dégager les idées fondamentales ; peut-être paraîtront-elles bien simples, aujourd’hui qu’elles courent le monde, et l’on aura quelque peine à en reconnaître l’originalité. C’est le sort de tous les esprits d’élite : ils ne font guère que devancer leur temps, et quand leur temps les a rejoints, eux et lui marchent du même pas. Leurs nouveautés de la veille sont devenues vulgaires, et ils pensent comme tout le monde ce qu’ils ont pensé avant tout le monde, car la pensée est de sa nature universelle, et n’a besoin que d’être comprise pour devenir la propriété du premier venu. Le talent seul ne passe jamais dans le domaine public. Heureux donc ceux qui savent à temps donner à leurs conceptions individuelles l’empreinte du talent qui les date et les conserve ! C’est une injustice peut-être : les vérités sont de plus haute valeur que l’art tout personnel de leur prêter de l’éclat ou du charme, le beau n’est que la parure et partant que l’accessoire du vrai ; mais enfin ainsi sont faits les hommes, il faut leur plaire ou les toucher pour rester dans leur mémoire ; ils sont plus sensibles à l’art qui exprime qu’au génie qui invente, et l’éloquence laisse plus de traces que la vérité. Non que la vérité périsse, mais elle devient promptement une idée raisonnable, une opinion reçue, enfin un lieu commun, et la multitude s’imagine qu’on a su de tout temps ce qu’elle ne se souvient pas d’avoir appris.

Voici donc quelles étaient les maximes philosophiques de l’école de