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nétrait dans le sanctuaire. Les puritains crièrent, comme on le pense, à la profanation ; le reste de la ville accueillit avec faveur ce témoignage de tolérance. On ne chercha même pas à s’assurer de quelques garanties contre la croyance du nouveau professeur, et ce fut sur sa seule et expresse demande qu’on l’autorisa à s’abstenir des délibérations du corps académique, lorsqu’elles n’auraient pour objet que le développement de l’instruction et de la théologie protestante. Ainsi M. Rossi appartenait au corps enseignant de cette petite république : il allait payer par des services rendus à la jeunesse l’hospitalité qu’il avait reçue. Ses leçons attirèrent un nombre considérable d’auditeurs, et quand il y eut joint des cours libres d’histoire, de droit public et d’économie politique, cette affluence ne fit que s’accroître.

À tout autre cette tâche de professeur eût pu suffire ; l’activité de M. Rossi ne s’en contenta pas, et chercha de nouveaux alimens. Il existait et il existe encore à Genève un recueil jouissant d’une estime méritée, la Bibliothèque universelle ; M. Rossi l’enrichit de remarquables articles. Plus tard, M. de Broglie, dont il avait fait la connaissance au château de Coppet, lui ouvrit la Revue française, dans laquelle il traita divers sujets de critique historique, de législation, d’économie sociale et d’administration publique. Cependant il s’attacha d’une manière plus intime et plus suivie à une publication ayant d’abord pour titre : Annales de législation et de jurisprudence, et qui se nomma ensuite Annales de législation et d’économie politique. Les fondateurs et collaborateurs de ce recueil étaient avec lui MM. Sismondi, Dumont et Bellot. De ces trois noms, c’est le dernier qui est resté le plus cher à M. Rossi. Le souvenir du professeur Bellot semble avoir laissé de profondes traces dans son esprit ; il n’en parle qu’avec émotion et avec respect. Bellot était un de ces cœurs droits, une de ces intelligences d’élite qui ne devient jamais du chemin de la justice et de la vérité. Il occupait à Genève une chaire de droit, et s’est fait connaître en France par de fort bons travaux sur l’organisation judiciaire, la procédure civile et le système hypothécaire. Personne n’a rendu à sa patrie des services plus réels, et n’y a causé plus de vide par une mort prématurée.

C’est surtout dans les Annales de législation et d’économie politique que M. Rossi fit ses premières armes comme écrivain. Rien n’exerce mieux le jugement et la plume que ces résumés substantiels, assortis au cadre des revues. Le livre permet des développemens qui n’ont pas toujours l’intérêt nécessaire, et délaient l’idée sans l’éclaircir. La revue, au contraire, exige des aperçus toujours concluans, des expo-