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sitions lumineuses et rapides, une critique qui va au but. Un livre peut transiger sur la forme, une revue ne le peut pas ; on feuillette l’un pour en connaître la portée, tandis que l’autre est lue phrase à brase. Le livre renferme tout un sujet, la revue n’en donne que l’essence. Aussi est-il peu d’apprentissages plus féconds, de travaux plus fortifians que ceux dont les revues sont la cause et l’objet. L’auteur s’y sent en présence du public ; il est contenu par l’attention même qu’on lui prête, excité par le désir de ne rester inférieur ni à ses collaborateurs, ni à lui-même. On citerait aujourd’hui peu d’hommes de quelque valeur qui n’aient passé par cette épreuve et qui n’y aient souvent recours pour se retremper la main. Personne n’en a mieux compris les avantages que M. Rossi et n’a puisé de plus grandes forces dans ces exercices de la pensée et du style.

Parmi les travaux qui parurent dans les Annales de législation et d’économie politique, il faut distinguer une suite d’appréciations sur les principes et les tendances de cette école historique en jurisprudence qui venait de se produire à grand bruit de l’autre côté du Rhin. On ignorait encore en France les détails de ce mouvement ; les Annales s’en emparèrent, l’expliquèrent au monde savant, et donnèrent l’impulsion aux études qui se firent dans cette voie. C’est dans les Annales également que M. Rossi posa les bases de ses principes dirigeans en législation, qu’il ne faut pas confondre avec les principes généraux et philosophiques du droit. Il y a là une indication précieuse : malheureusement ce n’est qu’une indication. L’auteur a eu dans sa carrière plusieurs de ces bonnes fortunes trop négligées ; il se contente d’émettre l’idée et l’abandonne à mi-chemin, sans prendre la peine d’en tirer les développemens qu’elle comporte. D’autres travaux considérables marquèrent l’existence des Annales et en auraient assuré le succès, si un coup imprévu n’eût frappé cette publication. À la suite des troubles de 1820 et 1821, la sainte-alliance prit ombrage du régime de liberté sous lequel vivait la confédération helvétique ; elle voulut y comprimer l’essor de la pensée et imposer une sorte de censure politique. À cette violation des franchises locales, les cœurs indépendans se révoltèrent, et plutôt que de donner l’exemple d’une soumission blessante, les fondateurs des Annales aimèrent mieux sacrifier leur entreprise.

Désormais le nom de M. Rossi était placé en évidence ; il avait conquis, à force de services, son droit de bourgeoisie et de cité. Aussi l’appela-t-on bientôt à remplir des fonctions politiques. Nommé membre des conseils, il put s’initier au mécanisme des états représentatifs, en connaître le fort et le faible, les grandeurs et les misères. Dans