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confesseur avait raison, et si Charles II a trouvé grace devant la justice de Dieu, il n’a pas été absous par celle du peuple ni par celle de la postérité. Ce sont des destinées fatales que les destinées des princes : ils personnifient en eux toutes les grandeurs ou toutes les lâchetés de leur époque ; si l’on admire en Louis XIV les splendeurs du XVIIe siècle français. Charles II à lui seul inspire tout le dégoût dont on ne se peut défendre à l’aspect du XVIIe siècle espagnol. Ce qui nous étonne, c’est que dans cette Espagne, où tant de nobles intelligences et de courages éprouvés cherchent en ce moment à relever des ruines si anciennes, un poète ait songé à exploiter ainsi le règne qui a le plus amoncelé de ces ruines. Le beau modèle à proposer en vérité, et comme cela doit enhardir les masses aux entreprises par lesquelles, se régénèrent les peuples, que d’aller, aux derniers jours de la dynastie autrichienne, dresser minutieusement l’inventaire des fautes et des faiblesses qui ont précipité le déclin de la vieille monarchie ! M. Gil y Zarate s’est montré dans son drame fort peu respectueux envers l’histoire. Il semble avoir voulu assombrir encore un tableau qui n’est déjà que trop hideux. Aujourd’hui même, au-delà des Pyrénées, il y a aussi une jeune école de publicistes qui méconnaît systématiquement la vérité historique. Mais elle, du moins, c’est la dignité, c’est l’honneur de la nationalité espagnole qui forme sa préoccupation exclusive. Elle s’efforce de réhabiliter Philippe II : irrésistiblement attirée par le génie et la puissance, elle veut les dégager, quoi qu’il en coûte, des crimes de la politique ; si coupable qu’elle soit aux yeux de la science impartiale et scrupuleuse, elle est mieux inspirée, on en conviendra, que l’auteur de Don Carlos el Hechizado.

Ce n’est pas tout : M. Gil y Zarate est modéré ; dans les revues, dans les journaux, dans les livres, il s’est porté le champion énergique de l’ordre et de la royauté. Mais par quels services M. Gil y Zarate pourra-t-il réparer le tort qu’il a fait au principe monarchique, le jour où il l’a montré, dans son œuvre la plus émouvante, tombé en des mains débiles, et perdant la fortune de tout un pays ? Puisqu’il a tant fait que d’entreprendre contre la royauté une procédure implacable, pourquoi n’est-il point allé plus loin et plus haut encore ? Plus tard, il a écrit sous la régence d’un soldat et sous la minorité d’une femme : pourquoi n’est-il pas remonté à ces régences et à ces minorités célèbres qui, de l’un à l’autre bout du moyen-âge, ont traîné dans la boue et le sang les sceptres de Castille et d’Aragon ?

Poursuivons cependant ; à la façon dont M. Gil y Zarate a traité son sujet, on verra bien qu’il y a réfléchi d’avance, et que, pour livrer au discrédit public les institutions qui déjà avaient tant de peine à se dé-