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cette nouvelle qu’Inès est arrêtée pour crime de sorcellerie, Florencio parcourt le palais, la rage au cœur, les paroles de révolte à la bouche ; contre le saint-office, contre le joug des moines et contre les ordres religieux en général, Florencio profère la plus furieuse imprécation qui se soit jamais fait entendre au théâtre ; mais nous sommes encore sous Charles II, c’est-à-dire séparés par tout un siècle de l’époque où les cortès de Cadix doivent abolir le saint-office, et par un siècle et demi de celle ou la populace aux bras nus de Madrid et de Murcie doit égorger les moines. Florencio appelle en pure perte ces amis à la vengeance ; tout ce qu’il y gagne, c’est d’être arrêté lui-même et conduit à la prison, où Inès attend déjà son arrêt de mort.

Nous nous bornons à poursuivre l’idée capitale du drame, à travers les incidens qui s’y mêlent et la compliquent. Nous vous faisons même grace du roi Charles II, à genoux dans une chapelle du couvent d’Atocha où se passe l’action du second acte, le cierge en main et prêt à subir l’exorcisme. Aucun poète n’a tracé de la puissance du saint office une peinture qui ne s’efface devant celle qu’en a faite l’auteur de Don Carlos el Hechizado. Tout proclame cette puissance, les rumeurs que jettent au loin par la ville les apprêts de l’auto-da-fé, les terreurs du roi, les terreurs du peuple, celles des plus grands seigneurs et des plus grandes dames qui accourent à leurs balcons, si tôt que se font entendre les sommations des familiers et des alguazils, pour saluer avec leurs mouchoirs blancs l’étendard de la sainte inquisition. Hâtons-nous de revenir à Froïlan et à sa passion abominable qui s’acharne à la perte d’Inès ; aussi bien est-ce contre le moine amoureux que le poète a voulu tourner tout l’effet de sa conception la plus audacieuse, sans aucun doute, qui se soit produite sur la scène romantique. Dans le cachot où Inès se prépare à mourir, Froïlan lui vient brusquement proposer de racheter sa vie au prix de l’honneur ; de toutes ces infamies, le grand-inquisiteur ne retire qu’un refus exprimé avec la même énergie et le même dédain. Il y a ici une scène qu’il serait vraiment difficile de lire jusqu’au bout, si pendant que Froïlan s’attache, pour ébranler Inès, à lui décrire la mort par le chevalet, par l’estrapade, par la flamme qui vous enlace toute vive, et, desséchant la peau, vous pompe le sang, la fière Inès ne répondait par les plus nobles paroles de résignation que lèvres de Castillane aient jamais prononcées C’est un contraste d’idées qui peut-être ne s’est point rencontré encore dans une autre œuvre littéraire au même degré. Froïlan se roule aux pieds d’Inès, mordant ses chaînes et la poussière du cachot ; prières et menaces échouent contre les mépris