Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/902

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Brésiliens, un grand nombre d’esclaves et de mulâtres libres, composent la population de Maragnan, qu’on évalue à 30,000 ames. Les Indiens paraissent exclus de la ville : l’intérieur de la province contient encore des peuplades sauvages en guerre contre les planteurs. La société de Maragnan fait oublier au voyageur qu’il est dans le Brésil, et c’est le plus bel éloge qu’on puisse en faire. Des bals, quelques soirées, animent la ville, où les familles portugaises et celles des négocians anglais vivent en rapports intimes. J’assistai aux cérémonies de la semaine sainte. Des processions où figurent tous les personnages de la passion, et même le Christ portant sa croix, donnent un caractère assez bizarre à ces solennités. La piété se ressent à Maragnan de l’exaltation méridionale. Il y a un grand nombre de couvens. A un jour marqué, les moines font la quête dans la ville, et il est difficile de répondre par un refus aux pressantes sollicitations de ces pieux mendians.

Comme place de commerce, Maragnan est dans une situation peu avantageuse. La culture du coton a sensiblement diminué depuis quelques années ; la production, qui s’était élevée à 80,000 balles, est tombée à 50,000 : c’est le point qu’elle avait atteint il y a vingt-cinq ans. Les bâtimens qui apportent des marchandises d’Europe prennent en retour du coton ; mais le prix payé sur place étant supérieur aux cours de l’Europe, il faut que la perte soit compensée par les bénéfices faits sur les marchandises. Aussi les transactions commerciales deviennent-elles chaque jour moins fructueuses. Les planteurs, manquant d’objets d’échange, ne peuvent acheter des marchandises qu’à de longs termes, et le chargement d’un bâtiment attend souvent plus d’un an le jour de la vente. Un négociant m’affirmait qu’un navire qui apporterait plus de 500 sacs de farine ne pourrait en trouver le placement ; il devrait en transporter une partie au Para, et pourtant l’on compte une population de deux cent mille ames dans la province de Maragnan. Une situation si difficile enlève chaque jour à cette province une partie de son importance. Les Indiens, traités en ennemis par les habitans, usent de représailles, tandis que des relations pacifiques avec ces peuplades pourraient offrir de précieux avantages. La décadence commerciale s’est déjà révélée à Maragnan par de fâcheux symptômes : les négocians anglais se retirent ; il ne reste qu’un petit nombre de négocians de Hambourg, qui cherchent à écouler des marchandises européennes refusées sur les autres marchés du Brésil.

Le gouvernement applique à cette province un système politique dont il devrait reconnaître aujourd’hui les fatales conséquences. Craignant qu’un homme influent ne soulève ce pays éloigné du centre de