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l’empire, il laisse rarement à un président le temps d’étudier les besoins du pays. Dès qu’un chef politique a pu recueillir quelque expérience, il inspire de la défiance au pouvoir, il est rappelé. Aussi tous cherchent à profiter d’une mission temporaire pour se créer une fortune ; président, chef de la justice, autorités civiles et militaires, tous favorisent les abus dont ils profitent ; chaque nouveau gouverneur veut introduire des réformes, et modifier le système de son prédécesseur ; le commerce, l’agriculture, sont paralysés, et le malaise général dispose les esprits à la révolte. En 1842, la province s’était soulevée en partie : les deux districts de Bastos-Bons et d’Itapicura furent occupés par les rebelles, le gouvernement put envoyer à temps des troupes qui dispersèrent les insurgés ; mais, malgré les triomphes du pouvoir, les tentatives d’insurrection, sans cesse renouvelées, anéantissent l’action gouvernementale, et les lois ne sont pour, les planteurs qu’une lettre morte, quand une force militaire n’en protège pas l’exécution.

De Maragnan à l’entrée de la rivière du Para, la navigation n’offre aucun intérêt. Les côtes sont basses, et bien qu’éloignés seulement de quelques milles, nous ne pouvions les apercevoir. Un nouveau dérangement dans la machine du paquebot retarda notre arrivée ; nos pilotes effrayés voulurent attendre le jour pour doubler le banc de Bragance, qui obstrue la partie inférieure de la rivière, et dont les brisans servent de point de reconnaissance. Un passage entre la terre et le banc de Bragance venait d’être exploré par un bâtiment français, la Boulonnaise. Cette baleinière, commandée par M. Tardif de Montravel, un de nos officiers hydrographes les plus distingués, avait dignement rempli sa périlleuse mission. Lorsque le navire français s’était engagé dans ce passage, regardé comme impraticable par tous les pilotes du pays, les autorités brésiliennes avaient conçu l’espoir que nos marins périraient victimes de leur tentative ; une ancre abandonnée forcément par la Boulonnaise fut rapportée à Sainte-Marie de Belem comme un signe du désastre attendu, et le président ne put dissimuler sa joie, car la mission de la Boulonnaise l’inquiétait vivement. Il ne pouvait supposer à cette expédition un but purement scientifique. Après une longue absence, la Boulonnaise reparut devant Sainte-Marie, et les autorités furent forcées de contenir les sentimens qui les animaient. Ces dispositions hostiles n’ont rien que de naturel de la part des Brésiliens. Lorsqu’en 1801 le Portugal se vit contraint à nous abandonner la rive gauche de l’Amazone, des instructions officielles furent données à un officier chargé d’accompagner les Français dans leur exploration. Ces instructions confidentielles portaient que, « pour