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dégoûter et forcer les Français à se retirer sans fonder aucun établissement, il devait les mener dans les plus mauvais parages, perdre leurs ancres et les exposer à ces ras de marée qui, à l’entrée de l’Amazone, s’élèvent jusqu’à quarante pieds. » Ce fait, peu honorable pour la bonne foi des Portugais, est rapporté par un écrivain dont le témoignage ne peut être suspect. Les instructions dont nous venons d’indiquer le sens se trouvent consignées dans le Tableau de la province du Para (Compendio das eras da provincia do Para), dû au colonel Monteiro Baena.

En remontant le cours du Toccantins pour arriver à Sainte-Marie de Belem, capitale de la province du Para, située à quinze lieues de l’embouchure, nous admirâmes les belles forêts qui en couvraient les bords. Quelques rares habitations s’élevaient çà et là au milieu des arbres. Les terrains qui bordent la rivière n’ont aucune valeur ; nous passâmes près d’une île qui avait plus d’une lieue carrée ; elle n’avait été vendue que 5,000 francs ; pourtant on y remarquait quelques maisons recouvertes en tuiles, et la valeur des bois qui s’y trouvaient excédait dix fois cette faible somme. Cette dépréciation des terrains s’explique par la nécessité où sont les habitans de transporter tous leurs produits à Sainte-Marie de Belem ; il leur est impossible de nouer aucun commerce avec les bâtimens qui descendent la rivière. La largeur du Toccantins varie de 5 à 10 kilomètres. Nous côtoyâmes quelque temps l’île de Macayo, dont l’intérieur est encore inexploré ; de nombreux troupeaux sauvages s’y sont multipliés ; les jaguars et l’once noire y sont communs, mais les forêts qui couvrent l’île rendent la chasse difficile et dangereuse. Quelques Portugais se sont réfugiés dans les solitudes de Macayo ; établis au sein des riches vallons de l’île, ils vivent de l’élève des bestiaux et fournissent les denrées nécessaires à la consommation de la capitale. On pourrait recueillir en abondance, aux environs de Sainte-Marie, le caoutchouc et le cacao. Si le gouvernement renonçait à son système d’intimidation vis-à-vis des étrangers qui veulent s’établir sur les rives de l’Amazone, il y aurait là pour une colonie européenne une source de revenus importans.

Un couvent de jésuites élevé sur la pointe Sainte-Antoine, et qui sert aujourd’hui de forteresse, est le premier édifice qu’on remarque avant d’entrer dans la baie formée par l’embouchure des deux rivières Guarna et Acara. La ville de Sainte-Marie de Belem, bien bâtie et assez animée, se présente au fond de la baie ; environ vingt bâtimens de toute nation, la plupart portant le pavillon des États-Unis, étaient mouillés dans la baie quand nous y entrâmes. Nous descendîmes à