Si quelque chant au loin, gai refrain de jeunesse,
M’arrivait prolongeant sa note d’allégresse,
Et d’échos en échos dans les airs expirait,
Alors comme aujourd’hui tout mon cœur se serrait.
Ô lune gracieuse, un an déjà s’achève
Qu’ici, je m’en souviens, dans ces lieux où je rêve,
Sur ces mêmes coteaux je venais, plein d’ennui,
Te contempler ; et toi, belle comme aujourd’hui,
Tu baignais de tes flots la forêt tout entière.
Mais ton visage, à moi, ne m’offrait sa lumière
Que tremblante, à travers le voile de mes pleurs ;
Car ma vie était triste et vouée aux douleurs.
Elle n’a pas changé, lune toujours chérie ;
Je souffre ; et de mes maux pourtant la rêverie
M’entretient et me plaît ; j’aime le compte amer
De mes jours douloureux. Oh ! combien nous est cher
Le souvenir présent, en sa douceur obscure,
Du passé, même triste, et du malheur qui dure !
Du haut du toit désert de cette vieille tour
Tu chantes ta chanson, tant que dure le jour,
Passereau solitaire, et ta voix isolée
Erre avec harmonie à travers la vallée.
Dans les airs le printemps étincelle et sourit ;
C’est sa fête, et tout cœur, à le voir, s’attendrit.
Il fait bondir la chèvre et mugir la génisse ;
Et les oiseaux des bois, sous son rayon propice,
Célèbrent à l’envi leur bonheur le plus vif
Par mille tours joyeux : mais toi, seul et pensif,
Tu vois tout à l’écart, sans te joindre à la bande,
Sans ta part d’allégresse en leur commune offrande ;
Tu chantes seulement : ainsi fuit le meilleur,
Le plus beau de l’année et de ta vie en fleur.
Combien, hélas ! combien ta façon me ressemble !
Et rire et jeunes ans qui vont si bien ensemble,