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plus long-temps rester debout : qui nous répond que, d’un moment à l’autre, elle ne prendra point cette magnifique initiative, à laquelle nous venons de renoncer ?

Ce n’est point ici, d’ailleurs, une simple question de commerce ; il ne s’agit pas seulement des marchés immenses à l’industrie européenne : c’est plus haut et plus loin qu’il faut regarder. Est-il vrai que, dans cet empire du Maroc, la violence du despotisme ou sa faiblesse non moins dissolvante, la décadence absolue de tout ce qui fut vivre un peuple, — la religion, les lois, les mœurs privées, les mœurs publiques, l’industrie, le commerce, l’agriculture, les arts, les sciences, — la dépravation de la société, en un mot, partout où cette société n’est point retournée à l’état sauvage, appelle énergiquement de nouveaux principes, de nouvelles idées, de nouvelles mœurs qui relèvent les races maures et arabes de leur abjection séculaire, et parviennent a les régénérer ? Ceux qui, par les publications dont le Maroc a été l’objet en France, en Angleterre, en Allemagne, savent à quoi s’en tenir sur ce pays étrange, comprennent bien qu’il ne peut à l’avenir demeurer fermé à la civilisation de l’Europe Par les faits nombreux que nous apportent les livres tout récemment publiés en Espagne, nous essaierons de dissiper les doutes qui pourraient subsister encore. Depuis que la question du Maroc a pris ces grands développemens qui préoccupent aujourd’hui l’Europe, l’Espagne n’a publié que deux livres sur ses voisins d’Afrique, mais deux livres remplis de renseignemens positifs, de renseignemens si complètement nouveaux, qu’on les chercherait en vain dans les autres ouvrages, quels qu’ils soient, dont le Maros a partout ailleurs fourni le sujet. Le premier, Costumbres de Marruecos (Coutumes du Maroc), a paru sans nom d’ateurs, à Algésiras, en face même du pays maure ; c’est un simple essai, écrit sans prétention et fort court, mais substantiel et presque toujours intéressant. Le second est de beaucoup le plus important et le plus considérable ; c’est l’ouvrage de Serafin Calderon, Cuadro-geografico, estadisctico, historico, politico y militar del imperio de Marruecos[1] M. Calderon est un des professeurs les plus distingués de l’Athénée de Madrid ; la province d’Orense vient de l’envoyer aux cortès. Le jeune député aurait écrit un livre excellent si, avec le soin qu’il a mis à s’occuper de l’histoire, de la topographie et de la statistique de l’empire, il avait traité la question religieuse et politique, si, pour tout dire enfin, il s’était montré philosophe et publiciste en même temps qu’économiste et historien Telle qu’elle est cependant, son œuvre est la meilleure qui ait paru encore sur la barbarie marocaine ; et comme, à notre avis elle constitue un titre sérieux, nous conseillons vivement à M. Calderon de la reprendre pour la compléter.

M. Calderon s’est attaché principalement à indiquer les causes qui ont entraîné, au Maroc, la ruine de la société musulmane ; c’est là aussi notre but,

  1. Tableau géographique, statistique, historique, politique et militaire de l’empire de Maroc ; Madrid, 1844.