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cour des anciens califes, se réduisent aujourd’hui à celle de keleb-el-amir ou de secrétaire du prince. C’est le keleb-el-amir qui, sous la constante inspiration du sultan, traite les affaires importantes avec les agens consulaires et en général avec tous les chrétiens. Après lui vient, dans la hiérarchie marocaine, le mula-el-tabaa, une sorte de garde-des-sceaux qui, en présence du sultan, appose à tous les décrets, à toutes les dépêches, le grand anneau impérial. Sur le cacher ainsi scellé, on peut lire non-seulement les noms et les titres du souverain, mais des sentences tirées du Koran. Sous les ordres du mula-el-tabaa, un intendant, qui porte le titre de mula-el-tesserad (chargé des menues dépenses), règle les dépenses du palais et y fait, à vrai dire, la police. Cet intendant et le très petit nombre de domestiques qui avec lui concourent au service du maître n’ont point d’émolumens ni de gages ; ils sont amplement dédommagés par les présens qu’ils arrachent à quiconque, Maure ou étranger, peu importe, sollicite une audience de l’empereur.

L’empereur donne ses audiences (Mesxuar) quatre fois par semaine, à cheval, entouré de ses grands, sous un parasol qui est le signe de sa souveraine puissance, et que soutient derrière lui un de ses principaux caïds C’est à cheval qu’il reçoit les ambassadeurs, les consuls, les voyageurs, les marchands étrangers, mais c’est à peine si on a le temps de lui dire pour quel motif on a souhaité d’être admis en sa présence : lui-même désigne la personne, — c’est presque toujours son secrétaire, — avec laquelle l’affaire se doit traiter. Soumis au même cérémonial que les étrangers, les Marocains eux- mêmes, et jusqu’aux plus hauts fonctionnaires, n’arrivent à l’empereur qu’en lui offrant, à lui et aux courtisans qui l’entourent, un présent proportionné à leur fortune ; les riches pachas donnent de magnifiques chevaux, des diamans, des esclaves ; les simples particuliers apportent des tapis, des pièces d’étoffe ou de poil de chèvre ; les plus pauvres eux-mêmes se gardent bien de se présenter les mains vides : si peu qu’ils offrent, du reste, un mauvais roussin, un vieux mulet, quelques œufs, quelques poules, quoi que ce soit enfin, ils sont toujours sûrs d’être admis.

Dans toutes les provinces, l’empereur est représenté par un pacha, lequel a pour lieutenant un kalifa qui, en son absence, le remplace. Du pacha et du kalifa dépendent les caïds héréditaires, qui gouvernent les tribus des plaines et celles des montagnes ; mais pour ces derniers, que l’on peut assimiler aux plus anciens chefs des clans celtiques ; c’est là une dépendance purement nominale. L’empereur ne les décide à l’obéissance que par l’intermédiaire de leurs saints ou xherifs, dont nous définirons plus loin la toute-puissance. Bien que les affaires purement contentieuses et les causes criminelles soient dévolues au cadi, tout rentre, à vrai dire, dans les attributions du pacha, qui tranche les affaires comme il convient à ses caprices. Le pacha, non plus que le kalifa, n’a aucune espèce de traitement ni d’honoraires ; il est rare pourtant que l’un et l’autre tardent à s’enrichir : de toutes les causes