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triste nudité. Dans les environs du fort, les Indiens Dacotas avaient dressé leurs tentes de cuir en forme de pains de sucre très effilés. La tribu des Dacotas, les Sioux des Français, occupe sur les deux rives du Missouri un vaste territoire qui s’étend des Montagnes Noires vers le sud, aux rives du Mississipi. Elle compte vingt et quelques mille ames, possède deux à trois mille tentes, et peut mettre huit à dix mille hommes en campagne. Cette tribu est la plus nombreuse de celles de l’ouest après les Assiniboins, qui occupent le territoire limitrophe de la Nouvelle-Bretagne. Les Indiens Dacotas ont en général les os de la face plus saillans et les traits du visage moins agréables que les autres peuplades du Missouri. Ce sont des peuples chasseurs, suivant le gibier dans ses émigrations et couchant sous des tentes faciles à transporter. Deux de leurs tribus font exception à la règle et habitent des villages stables L’une d’elles, les Wahk-Pe-Kuteh, confinée sur les rives du Mississipi, y cultive le maïs et d’autres plantes qui servent à sa nourriture. Les Indiens Dacotas possèdent un grand nombre de chevaux et de chiens qu’ils mangent volontiers. Ces Indiens passaient autrefois pour être très dangereux. Bradbury les appelle blood thirsty savages, des sauvages qui ont soif de sang, mais aujourd’hui, à l’exception de la tribu des Yanktoans, ils vivent en bonne intelligence avec les blancs.

« Un des hommes les plus estimés parmi eux, et qui se montrait le plus dévoué aux blancs, était celui qu’on appelait Big-Soldier, le gros soldat (Wahktégueli) ; c’était un homme de haute taille et de bonne mine, ayant dix à onze pouces, mesure prussienne, âgé de soixante ans, avec un nez fortement aquilin et de grands yeux vifs… » M. Bodmer voulait dès son arrivée peindre le Big-Soldier en pied. Celui-ci se présenta en grande toilette, le visage peint en rouge avec du cinabre et de courtes raies noires parallèles sur les joues. Sur la tête, il portait des plumes d’oiseaux de proie, placées sans ordre ; c’étaient des trophées de ses exploits et notamment d’ennemis qu’il avait tués… Ses oreilles étaient parées de longs cordons de grains de verre bleus, et sur sa poitrine pendait, à un cordon passé autour du cou, la grande médaille d’argent des États-Unis. A la main, il tenait son tomahawk ou hache d’armes. Il paraissait très flatté de servir de modèle à M. Bodmer, et il garda pendant toute la journée la position qui lui ait été indiquée ; ce qui est en général fort difficile pour les Indiens.

Le fort Pierre, troisième station du Missouri, est situé à quelques journées seulement du fort Lookout, au confluent du grand et du petit Missouri. C’est un des établissemens les plus considérables de la