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depuis des siècles, est dans toutes les mémoires. A peine descendu de sa fenêtre, le cadi reçoit pour sa peine quatre duros, c’est-à-dire la valeur de vingt francs. Immédiatement après, l’étrange cortége se remet en marche, et rentre dans la ville. Arrivé sur la place principale, le pacha se fait majestueusement saluer par quatre ou cinq coups de canon. À ce signal, prêtres, soldats, marchands, hommes et femmes, tout le monde se disperse, et chacun de son côté est libre de s’en aller célébrer la fête comme il l’entend.

La seconde pâque est fixée au premier jour de la douzième lune. On sait que le calendrier de l’islam se divise, selon le cours de la lune, en six mois ou lunes de trente jours, et six de vingt-neuf. Cette pâque ne se distinguerait en aucune façon de la première, n’était une coutume dont la bizarrerie surpasse tout ce que nous avons raconté déjà. Accompagnés du cortége que nous venons de décrire, cadi et pacha sortent encore de la ville ; mais, arrivé en pleins champs, le cadi, au lieu de réciter son éternel sermon, saisi vivement un mouton, le frappe au hasard d’un grand coup de poignard et le place sur un cheval, qui, aussitôt pressé par le fouet et le bâton, prend au galop le chemin de la maison du cadi. Si au moment où le cheval s’arrête devant la porte, le mouton est encore vivant, l’année sera des meilleures, la récolte des plus abondantes ; si le mouton est mort, il faut s’attendre à une affreuse disette. Les bons croyans se séparent en poussant des cris lamentables, auxquels pourtant succèdent bientôt les clameurs du plaisir et de l’ivresse.

La troisième pâque rappelle la naissance du prophète ; elle se célèbre d’une façon moins bruyante. Rien n’y manque cependant, banquets dans les maisons et dans les jardins, processions, sermons, prières, salves d’artillerie. Une chose vraiment singulière, c’est que la veille de la saint Jean soit, au Maroc comme en Espagne et dans le midi de la France, fêtée par des feux de joie et par de publiques réjouissances. C’est le seul jour de la troisième pâque où se commettent des excès et des extravagances. Sur les bords des fleuves et des rivières, sur les côtes de la mer, les populations accourent en foule et se mêlent confusément. Les autorités du Maroc ne se piquent point envers leurs administrés d’une très grande sollicitude ; ce soir-là, du reste, elles auraient beau faire, elles ne pourraient empêcher qu’à la suite de la troisième pâque un grand nombre de familles ne se voient obligées de prendre le deuil.

La loi de Mahomet, qui prescrit si rigoureusement la circoncision, n’a pourtant pas indiqué l’âge où elle se doit opérer. Au Maroc, les jeunes garçons ne la subissent qu’après avoir dépassé sept ans, à l’anniversaire de la naissance du prophète La cérémonie s’accomplit en secret dans une mosquée ; c’est une fête de famille qui s’achève chez le père par un long banquet ou tous les parens viennent s’asseoir. Il y a quelques années, les sectateurs de l’islam professaient une telle indifférence à l’égard du précepte le plus impérieux, le plus précis de leur loi religieuse, qu’il se trouve aujourd’hui au Maroc une foule de musulmans incirconcis ; mais l’Orient africain est un