teurs ; chaque jour, on voit notre langue prêter sa flexibilité et sa transparence à l’interprétation de quelques lointains chefs-d’œuvre, chants slaves, poèmes indiens, comédies espagnoles, romans et drames de la Chine. Aujourd’hui même nous avons à faire connaître une nouvelle et remarquable importation de l’étranger. On n’apprendra sûrement pas sans plaisir qu’une intéressante épopée maritime, traduite de Corte Real, un des plus célèbres émules de Camoens, vient d’accroître le nombre des rares compositions épiques entre lesquelles se balance depuis tant de siècles l’admiration trop restreinte des amateurs de la grande poésie.
Quoique la littérature portugaise ne soit pas encore, à beaucoup près, aussi connue et aussi bien appréciée en France qu’elle mérite de l’être, nous sommes loin pourtant du temps où Voltaire pouvait imprimer sans scandale que Luis de Camoens naquit en Espagne dans les dernières années du règne de Ferdinand et d’Isabelle, lorsque dom Jean II régnait en Portugal ! Le général Dumouriez ne pourrait plus écrire aujourd’hui sans être sifflé que Camoens, brave spadassin, a composé le poème le plus estimé de sa nation, et l’a intitulé assez mal à propos Os Lusiadas, parce qu’il s’appelait Louis ! Grace à M. Sané et aux articles instructifs insérés par lui en 1813 dans le Mercure étranger, grace à M. Simonde de Sismondi, qui a consacré au Portugal presque un demi-volume de son histoire des littératures du midi de l’Europe, et à M. Ferdinand Denis, à qui l’on doit, entre plusieurs autres publications, un résumé de l’histoire littéraire du Portugal et du Brésil, la génération actuelle possède des moyens suffisans pour se faire une idée passablement exacte de cette littérature aussi étonnante que la fortune de la petite et glorieuse nation d’où elle émane. De leur côté, les traducteurs commencent à répandre dans toutes les classes la connaissance des principaux chefs-d’œuvre portugais. Pour ne parler que de la poésie, les Lusiades ont été plusieurs fois, et tout récemment encore, traduites en prose et en vers ; un charmant petit poème imité du Lutrin, le Goupillon de Diniz da Cruz e Silva, a été mis autrefois dans un français exquis par notre plus habile helléniste, M. Boissonade, qui sait tant de choses, outre le grec ; le Caramuru, poème médiocre du Brésilien Frei José de Santa Rita Durâo, a été imité plutôt que traduit par M. Eugène de Montglave. Antérieurement M. Sané avait publié, avec une version française en regard, plusieurs morceaux lyriques de Francisco Manoel do Nascimento, une des modernes gloires littéraires du Portugal ; enfin, deux tragédies sur la mort d’Inès de Castro, la première d’Antonio Ferreira, la